mercredi 22 avril 2020

Vivre : comptabilités





Il en est qui mesurent leurs balades en pas (dix mille par jour sembleraient une absolue nécessité).
Nous les mesurons à coups de museaux entraperçus, de plants de colza dispersés au hasard des champs labourés, de bruissements, de battements d'aile, de trilles et de notes, de camionnettes bleues (pour être tout à fait honnête : une seule), de tracteurs rageurs et de randonneurs en fuite (ici aussi : un unique spécimen de chaque espèce), de sons de cloches lointains, de chevreuils effarouchés, de hennissements et de braiments, de croquettes quémandées et de croquettes octroyées (beaucoup trop assurément), de troncs affaissés, de sachets abandonnés (hélas...), de sifflements, de papillons jaunes et de papillons bruns, d'envols majestueux et d'atterrissages hasardeux.
Au bout de la balade combien de fois nos pieds et nos pattes se sont-ils soulevés pour se poser avec détermination dans les touffes serties de boutons d'or et de pissenlits ? Impossible de le dire. 9'999 fois ? 10'0001 ? Perplexité intense : avons-nous accompli notre devoir quotidien ? Nous n'en savons rien, mais nous gardons dans la rétine l'intensité fluo des paysages traversés, des jaunes et des verts et des bleus, qu'un enfant joyeux aurait crayonnés.

5 commentaires:

  1. Malgré une certaine beauté de ces lignes rigides et calibrées
    de l’exploitation intensive, sans respect de la terre,
    je préfère la poésie des petits champs en patchwork multicolore
    entourés de haies vivantes avec quelques arbres pour se reposer à leur ombre
    et écouter la musique de la vie grandir et s’ébattre.

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  2. :):):) exploitation intensive ? c'est le même champ, à la lumière vive de midi, vu de l'autre côté du chemin. Les choses changent, selon le point de vue, selon le moment de la journée, aube ou plein soleil. Mais, c'est vrai, selon le regard et la luminosité, on peut tirer des images très différentes : impressionnistes ou contemporaines, rêveuses ou minimalistes. En ce moment, le colza strie de jaune fluo le paysage. On dirait du Frank Stella, ou Nicolas de Stael. On change d'artiste à chaque nouvelle culture. Belle musique et belle soirée.

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  3. Une jolie façon détaillée et imagée de décrire ta balade du jour, Bad ! :-)

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    1. Dad !!! et non Bad !!! (sourire)

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    2. C'est une voisine qui m'a inspiré ce billet : elle parle toujours de ses marches en nombre de pas. Je me suis demandé si elle voyait autre chose que son objectif quotidien et si, en s'arrêtant parfois pour regarder, elle ne préserverait pas tout autant sa santé.
      PS :à l'aube, douce aubade ou belle sérénade, dad part en balade... belle journée...

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