La lagune
Le premier jour, j'avais cru éviter la cohue en allant faire mes achats au moment de l'ouverture. Grave erreur : dix minutes avant l'heure, les gens se pressent pour pouvoir entrer les premiers. Ils attendent et se scrutent pour savoir lequel est arrivé après eux et doit en conséquence leur céder la priorité quand ils bondissent pour attraper l'un des quinze chariots à disposition. C'est donc vite fait que je suis repartie avec le chien ce jour-là sur notre belle plage solitaire. Deux heures plus tard, le calme régnait sur l'aire de parcage, après que la nuée s'était ruée sur le papier WC et le rayon des pâtes alimentaires pour finalement se disperser (tout bien réfléchi, ces pâtes italiennes épuisées, ces achats compulsifs contribuent sans doute à soutenir une économie qui se trouve en grande difficulté).
A présent, que de temps gagné! Connaissant le moindre recoin du magasin, je vais tout droit vers ce dont j'ai besoin. Mes courses hebdomadaires me prennent douze minutes montre en main. Je me pointe aux alentours de onze heures, quand les deux vendeuses trouvent enfin le temps de placer toute la marchandise livrée et échangent à voix basse. Entre les rayonnages règne une atmosphère de vacance. Un couple discret chuchote en choisissant ses fromages. Un jeune apprenti constitue son pique-nique de midi. La caissière me glisse : "ce n'est pas toujours comme ça". Elle dit son impression d'être souvent à la merci d'agressions tant verbales que virales derrière son pauvre abri en plexiglas. Elle parle de ceux qui rouspètent parce que tel produit n'est pas encore disponible, et de ceux qui râlent parce qu'on les oblige à respecter les distances. Il y a aussi ceux qui rechignent à se désinfecter les mains et ceux qui sont mécontents parce que les mesures de sécurité devraient selon eux être renforcées (il semble que certains aient enfin trouvé un bon filon pour se lamenter).
A force d'acheter le nécessaire (un délicieux, un merveilleux nécessaire), je me retrouve avec des finances aussi assainies que les canaux vénitiens. Pas de café siroté sur une terrasse, ni de roman DOP ni de coupe égalisée. Pas davantage de cinéma, de restaurants, ou de fleurs. Je sors avec mes cabas, ravie d'avoir déniché un beau chou frisé. Je me suis soudain rappelée un plat de Vénétie, dégusté l'an dernier sur l'île de Torcello, là où, surtout en plein hiver, les touristes oublient d'aller s'agglutiner. A la Villa '600, on offre depuis des décennies une cuisine familiale et la sœur du propriétaire, surprise à ses fourneaux ce samedi-là, préparait un chou savoureux accompagné de saucisses locales. La recette, reproduite aujourd'hui de mémoire, est d'une invraisemblable simplicité. On la déguste les yeux mi-clos, en rêvant d'une prochaine escapade hivernale au cœur de la lagune. On s'imagine déjà dans une petite salle vide de la Villa '600, avec le placide serveur invitant à le suivre en cuisine pour découvrir des salcicce en train de mijoter, selon la vieille tradition paysanne qu'aucun visiteur étranger (plutôt amateur de spaghetti et de pizza) ne songerait à réclamer.
A présent, que de temps gagné! Connaissant le moindre recoin du magasin, je vais tout droit vers ce dont j'ai besoin. Mes courses hebdomadaires me prennent douze minutes montre en main. Je me pointe aux alentours de onze heures, quand les deux vendeuses trouvent enfin le temps de placer toute la marchandise livrée et échangent à voix basse. Entre les rayonnages règne une atmosphère de vacance. Un couple discret chuchote en choisissant ses fromages. Un jeune apprenti constitue son pique-nique de midi. La caissière me glisse : "ce n'est pas toujours comme ça". Elle dit son impression d'être souvent à la merci d'agressions tant verbales que virales derrière son pauvre abri en plexiglas. Elle parle de ceux qui rouspètent parce que tel produit n'est pas encore disponible, et de ceux qui râlent parce qu'on les oblige à respecter les distances. Il y a aussi ceux qui rechignent à se désinfecter les mains et ceux qui sont mécontents parce que les mesures de sécurité devraient selon eux être renforcées (il semble que certains aient enfin trouvé un bon filon pour se lamenter).
A force d'acheter le nécessaire (un délicieux, un merveilleux nécessaire), je me retrouve avec des finances aussi assainies que les canaux vénitiens. Pas de café siroté sur une terrasse, ni de roman DOP ni de coupe égalisée. Pas davantage de cinéma, de restaurants, ou de fleurs. Je sors avec mes cabas, ravie d'avoir déniché un beau chou frisé. Je me suis soudain rappelée un plat de Vénétie, dégusté l'an dernier sur l'île de Torcello, là où, surtout en plein hiver, les touristes oublient d'aller s'agglutiner. A la Villa '600, on offre depuis des décennies une cuisine familiale et la sœur du propriétaire, surprise à ses fourneaux ce samedi-là, préparait un chou savoureux accompagné de saucisses locales. La recette, reproduite aujourd'hui de mémoire, est d'une invraisemblable simplicité. On la déguste les yeux mi-clos, en rêvant d'une prochaine escapade hivernale au cœur de la lagune. On s'imagine déjà dans une petite salle vide de la Villa '600, avec le placide serveur invitant à le suivre en cuisine pour découvrir des salcicce en train de mijoter, selon la vieille tradition paysanne qu'aucun visiteur étranger (plutôt amateur de spaghetti et de pizza) ne songerait à réclamer.
Ah, la Villa Seicento! C'est pour nous et le couple d'amis qui vient parfois à Venise avec nous l'incarnation du bonheur. Nous leur avons fait connaître ce lieu enchanteur il y a juste un an, et nous l'evoquions il y a peu au téléphone avec mon amie, quand nous serons déconfinés, cap sur Venise, Torcello, et la Villa Seicento. A propos de Torcello, avez vous visité la Casa Andrich ? Je vais voir la recette.
RépondreSupprimerLa Villa Seicento, c'est l'endroit où des familles viennent le dimanche fêter des mariages, ou des baptêmes, il y règne une sérénité que j'ai rarement trouvée ailleurs... à quoi est-ce dû ? la maison ? l'île ? la cuisine "lo facciamo tutto noi" ? je n'en sais rien, mais pour rien au monde je ne manquerais un passage là-bas.
SupprimerPS : non, pas de Casa Andrich, seulement les mosaïques de la cathédrale, le dépouillement du marbre, quelques bougies allumées à Santa Fosca...
PS2 : la recette avec du chou frisé et des saucisses - même suisses - n'est pas mal du tout. Testée et approuvée. Accompagnée de risotto ou de polenta. Un plat typique des paysans de Vénétie.
Jusqu'à présent, c'est mon mari qui est sorti pour faire les courses. Le drive étant saturé, nous avons décidé d'aller les acheter directement au magasin. Il m'a dit qu'à chaque fois, il n'y avait qu'une poignée de clients. Mais demain j'aimerais bien aller à la Biocoop. Cela va me faire bizarre. Il me semble que cela fait une éternité que je ne suis pas sortie en "ville"... Vais-je mettre un masque ?...
RépondreSupprimerBel après-midi, Dad. Le temps est magnifique, nous allons partir marcher une heure.
Oui, ça fait bizarre, l'impression de retourner dans une ancienne vie, une très ancienne vie (d'il y a à peine trois semaines...)
SupprimerMa compagne de vie fait les courses. Une fois par semaine. Pour moi c'est impossible physiquement. Quand elle veut un avis elle me téléphone du magasin. On fréquente deux magasins, une petite surface entièrement bio qui offre des produits de grande qualité dont certains sont préparés sur place de manière artisanale. L'autre magasin est aussi une moyenne surface pour tous ceux dont on a besoin hors bio.
RépondreSupprimerMa compagne dit que l'ambiance est tout à fait bonne, comme elle l'est d'ailleurs habituellement, hormis les précautions auxquelles maintenant on est habitué, respect des distances, entrées et sorties échelonnées, pose de plexiglas de protection, etc.
jusqu'à ce jour aucun incident, en sa présence tout au moins.
On dépense moins, c'est évident. De toute façon hormis l'alimentaire … il n'y a rien à vendre…
mais j'ai l'impression que par chez vous c'est beaucoup moins strict, moins encadré. Je dois aussi me faire des idées en pensant que tous les Suisses font preuve d'une bonhomie légendaire en permanence…
je suis encore bourré de clichés !
Je n'ajouterai quand même pas qu'ils sont tous banquiers… faut quand même pas exagérer ! ;-))),
Belle soirée bonne journée demain !
Non, il ne faut pas exagérer! Tous les Suisses ne sont pas banquiers : il y en a aussi qui sont horlogers et chocolatiers! (et il y a aussi quelques milliardaires, mais ils constituent une minorité)! Cette précision étant faite, douce soirée !
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