samedi 20 novembre 2021

Voir : deux fois deux moi

 
 
Visionné deux soirs de suite des films traitant de couples. Dans le premier, un garçon, une fille et le dix-huitième arrondissement de Paris. Ils pourraient se rencontrer, se frôlent, se croisent, mais passent le 99% du temps à se rater. C'est un film de Cédric Klapisch et on nous annonce une comédie romantique. On craindrait de s'ennuyer ferme tant le genre paraît éculé : qu'est-ce qu'on pourrait bien découvrir qu'on n'ait pas déjà vu cent fois ? Dès les premières images, on sait d'avance comment ça va se conclure. Mais... le cinéaste est inspiré et les acteurs bien castés. On s'attache à ces deux paumés de l'amour, ces cabossés de la vie. On découvre une nouvelle fois combien Paris peut être flamboyante et cruelle pour les isolés (et quel bonheur de retrouver à 25 ans de distance des acteurs remarqués dans "Chacun cherche son chat", apparitions fugaces, beaux personnages servis par de bonnes répliques.) Léger et profond tout à la fois, le film est la preuve qu'on peut reprendre des années plus tard les mêmes ingrédients : un chat, une vieille dame, une fille un peu paumée, un garçon un peu éteint, une vie de quartier, changer vaguement la recette, secouer le tout et en produire un joli conte, avec un petit air de déjà vu, mais pas du tout désagréable à regarder.
 


Le deuxième couple, c'est un frère, une sœur, des jumeaux berlinois. Il est l'aîné (arrivé avec deux minutes d'avance). Il est un acteur de théâtre confirmé. Elle écrit des pièces (quand sa vie de famille le lui permet). Il est programmé pour jouer Hamlet. Elle s'est exilée en Suisse dans un univers auquel elle s'efforce d'adhérer. Elle est donneuse, il est preneur. Si la greffe réussit, il serait susceptible d'être sauvé, de rejouer la pièce qu'on menace de déprogrammer. Si la greffe réussit, le cancer ne gagnera pas la partie. Mais dès le début, dès les premières  scènes, on se doute déjà de la fin. On a l'intuition que ces deux-là, qui ne se sont jamais véritablement séparés, devront se préparer à se quitter. C'est filmé de manière nerveuse, vivante, jamais linéaire. C'est très bien joué. Tous les acteurs sont impeccables (Marthe Keller campe magistralement une mère qu'on a tour à tour envie de gifler et de secouer). Nina Hoss met tout son talent à étoffer son personnage, silhouette fragile et résolue, qui se démène avec toute l'énergie de son immense désespoir. La petite sœur est prête à tout pour garder son frère, sa moitié, en vie. "Un acteur qui se sent désiré reste vivant. Si on lui enlève son rôle, on le tue plus vite que n'importe quelle maladie." Elle se hâte donc de composer un monologue, inspiré de Hansel et Gretel, les deux enfants perdus qui retrouvent leur chemin. Ils finissent par réciter à deux les vers censés terminer ce conte juste avant que l'ombre ne vienne envahir le lit où ils sont couchés.

Deux films dont on pressent dès le départ comment ils vont s'achever. Aucun suspens, par conséquent, et s'il est permis de dévoiler la fin, c'est que leur valeur tient dans leur itinéraire. Comme deux voyages dont l'importance n'est pas la destination, mais la manière dont on s'y prend pour faire la traversée. On est émus, bien sûr. On a envie de les revoir aussitôt que le générique se met à défiler (et, de toutes façons, on sait qu'ils ne se laisseront pas oublier).

 

 

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