mardi 30 novembre 2021

Vivre : réseautages

 
Couronnement de la Vierge (détail anges)  /Paolo Veneziano  / Gallerie de l'Accademia / Venezia
 
Il y a quelques années, une amie s'interrogeait avec perplexité en lisant dans un journal la rubrique des rencontres : "Mais pourquoi donc tous ces gens si bien de leur personne, intelligents, parfaits ont-ils besoin d'établir des relations par de tels biais ?" Poserait-elle la même question aujourd'hui à propos de ces réseaux qu'on dit sociaux ? Sur la toile, tout le monde il sourit, tout le monde il est gentil, tout le monde il est un super ami. Dès lors, que va-t-on chercher ailleurs, très loin, qu'on ne trouve pas autour de soi ?

On dénonce beaucoup ces derniers temps les dérives que peuvent provoquer la fréquentation des différents sites. On en parle surtout à propos des jeunes et particulièrement des adolescents, que l'on présente comme les plus fragiles. On pointe l'addiction générée, et le besoin frénétique d'être approuvé, aimé, intégré. Avec tout ce qui s'ensuit : un conformisme effréné, une recherche de ressemblance à tout prix, le refus progressif de la différence à laquelle on pourrait naturellement être confronté.

Ai écouté l'autre jour en podcast GBVF qui consacrait une émission à la dépendance avérée aux smartphones et aux réseaux sociaux. Cette diffusion invitait à élargir le focus : les études révèlent que de plus en plus d'adultes sont concernés, qui passent jusqu'à 4 à 5 heures par jour à tapoter, guettant un message, une approbation, une notification, se désespérant quand rien ne vient ou quand les statistiques tendent à flancher. Tout cela engendrant des classifications, poussant à la comparaison, pouvant mener à l'effondrement. Affolant.
 
(A distinguer, bien entendu, l'usage pratique de l'appareil, en tant que fournisseur de prestations telles que téléphone, informations utiles, agenda, plate-formes de travail, etc). 

"Le smartphone, doudou sans fil, affirmait un intervenant, est devenu l'objet qui permet de pallier à des absences. S'il y a une forme d'addiction, elle peut être à l'autre. Le grand Autre." Affligeant. 
 
"Chacun remet sa propre valeur sur la place publique." Derrière tout cela, quelle solitude expérimentée ? Quel peur d'être abandonné ? Quel besoin d'appartenance ? Ce sont les autres, dans toute leur virtualité, qui décident ce que nous valons par leurs likes et leurs classements, lesquels procurent des pâtisseries à nos neurones, en manque de dopamine et autres sucreries. Sans que nous soyons forcément déséquilibrés ou narcissiques, notre cerveau serait en passe de devenir diabétique. Inquiétant.
 
Nul besoin de rappeler les phénomènes de groupe bien actifs sur la toile, et d'autant plus qu'un semblant d'anonymat y est assuré. Sans aller jusqu'à des extrêmes tels que des appels à la haine et au harcèlement, on peut y trouver toutes sortes de manifestations déplaisantes, telles que la rivalité ou des agressions plus ou moins masquées. Derrière tout cela : un besoin de cohésion. Désireux de conformité, les gens se rassemblent en cercles et y ajustent leurs opinions, rassurés par le consensus clanique. Pathétique.

Durant toute l'émission, les intervenants ont fait largement usage du "nous", invitant tout un chacun à balayer devant sa porte pour évaluer ses besoins et ses usages quotidiens. En conclusion, ils invitaient à nous tourner plus souvent vers notre entourage et à lui prêter attention. Eh oui : pourquoi ne pas partir en balade de proximité, pour y dénicher notre insuline sociale en rencontrant d'autres humains, des arbres, des chiens ? (et si l'on vit à la campagne, pourquoi ne pas aller observer les ovidés paissant dans les prés, sympathiques et paisibles grégaires, agneaux, brebis, présentent l'énorme avantage avec leur bienveillante placidité de contribuer à notre survie) ?

4 commentaires:

  1. Bonjour Dad,
    Pour répondre aux derniers questionnements : peut-être parce que les vaches, chèvres et moutons ne nous disent pas combien nous sommes baux/bons :)
    Ô ennuis ô désespoir...

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    1. Décidément aujourd'hui l'heure est aux confidences. Ennuis ? désespoir ? Dur dur novembre, quand on a besoin d'entendre qu'on est bonne et belle et qu'on ne l'entend pas de vive voix. Prends soin de toi ...

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  2. A mon avis, il faut analyser le phénomène des réseaux sociaux au travers de trois questions: ce que les grandes plateformes offrent et en retirent ; ce que les gens font de cette offre et aussi ce dont ils ont besoin (de manière générale bien entendu).



    Un outil de communication, quel qu’il soit n’est pas bon ou mauvais en soi. Par contre, il peut représenter une mine d’or pour les propriétaires au travers de la publicité dirigée (vous consultez tel ou tel site, donc vous aimez ou êtes intéressé par telle ou telle chose et par conséquent nous allons vous bombarder avec de la publicité ciblée sur vos préférences). C’est un processus qui utilise vos activités sur la toile sans votre consentement et sans que vous le sachiez directement. Mais cela peut aller plus loin, car au nom du business les plateformes doivent trouver de nouvelles cibles, les adolescents, et demain, certainement les plus jeunes. Et indirectement, il est possible de diriger leurs préférences, alimentaires par exemple et leur dépendance. Par contre, les réseaux sociaux peuvent aussi servir à autre chose : à communiquer lors de pandémie, échapper à la solitude due au confinement par exemple, trouver un réseau valorisant, sécurisant, mais ce n’est pas tout. Sur les réseaux sociaux, il est possible de se mettre en avant, au centre, d’être un roi ou une reine, voire de se faire relooker par Photoshop, pour améliorer son apparence, se montrer sous un angle avantageux, élaborer sa façade. Et c’est certainement à ce niveau-là que peut intervenir un jeu à engrenages multiples qui peut être plus difficile à gérer.

    Donc on croit manipuler et on est manipulés. Le jeu peut devenir très dangereux. On a raison de l’utiliser avec précaution, en tâchant de rester maître de l’usage juste qui convient


    Gaspard

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    1. Merci pour ce commentaire pertinent, c'est-à-dire qui comprend, qui réagit avec analyse sans être dans l'émotionnel ou le vain. Ce que vous dites sur les plateformes est très juste. Et sur ceux qui se croient rois ou reines. Et les manipulations dont on n'est pas toujours conscients. Oui tout cela est vrai. Oui : rien n'est bon ou mauvais en soi.
      En publiant, je m'attendais à ce qu'on rappelle qu'en période de confinement les réseaux dits sociaux ont été pour certains une bouée, qu'ils leur ont permis de se connecter, d'échanger. J'attendais aussi qu'on me parle de ceux qui empêchés pour diverses raisons d'aller dans le monde peuvent communiquer par ce biais. Ou que la vie est difficile pour ceux qui n'ont pas appris à s'accepter ou être acceptés. Bref, quand commentaire il y a (ce qui n'est pas nécessaire) j'aime que cela porte à avancer, à méditer.
      Je répondrais alors que tout cela est vrai, mais qu'il vaut la peine de réfléchir à cette vie que nous menons, aux interlocuteurs que nous nous créons. Le temps que nous passons sur nos écrans, détournés de ce qui existe autour de nous, devient préoccupant. Et, pour terminer, qu'on cesse de déplorer uniquement le comportement des adolescents, car, jeunes ou moins jeunes, nous sommes tous concernés. Merci encore et toute belle soirée.

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