jeudi 9 décembre 2021

Vivre : la forêt, un matin

 

Mettre mes pas dans les sillons suivis par le chien. Entendre les feuilles craquer à notre passage (étonnant comme la musique de nos pas peut être dissemblable). Joyeux tamtam à deux sous les flocons qui ébauchent, heureux, de folles cabrioles. Traces de renards, traces de gibier traqué, traces légères et perlées de quelques tourterelles esquissant une tarentelle. Trainées de larmes amères des feuillus que la nuit a malmenés. Lourdes gouttes blanches projetées par de vieilles branches. Mystérieux zigzags dans les étendues grisées.
 
 
 

La forêt impose son silence, c'est-à-dire qu'elle bruisse de mille babils, grésillements, battements, gazouillis. Claquements, écoulements, cliquetis. Benêt qui croit la forêt mutique, elle qui n'a cesse de scander qu'elle est en vie. L'essence même de la vie : pure énergie. Langoureux s.o.s de troncs malmenés. Cris stridents, longs avertissements, tous les habitants sont au courant de notre randonnée.

Suivant le sentier, nous parvenons au refuge, pauvre cabane résignée que les festivités ont abandonnée. Nous hésitons à quitter ce monde monochrome où nous nous sentons si bien, protégés de toutes sortes de folies. Nous temporisons : quoi déjà terminée, cette balade qu'il nous semble à peine avoir commencée ? Nous oscillons encore un moment. Enfin, la vision d'une table généreusement décorée parvient à nous raisonner. Avec un soupir, nous nous détournons de ce monde noir et blanc pour rejoindre notre déjeuner mandarine, orange, kaki, groseille et saumon.


4 commentaires:

  1. Quel joli texte et quelles belles photos. Tant de paix. Cela me rappelle un de vos messages précédents à propos des endroits où l’on aimerait revenir encore et encore, le charme étant toujours présent.
    Alors, puis-je dire: ayons un peu de gratitude envers Mère Nature!?
    PS: j’ai lu, il y a longtemps Arlington Park de R Cusk.

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    1. Arlington Park est un des livres dont je ne me sépare pas. Publié en 2006 (quoi? déjà 15 ans!). Je le trouve excellent. RC y décrit si bien la condition féminine. C'est un livre militant, à mon sens, parce qu'il ouvre les yeux sur la manière dont on risque de passer à côté de sa vie en se laissant rogner les ailes. François Busnel était allé l'interviewer quelques années plus tard et elle racontait qu'on lui faisait payer le prix fort pour avoir mis à nu des mécanismes de domination sociale apparemment invisibles. Au même moment, une des collaboratrices de mon compagnon faisait un burn out pendant son congé maternité. Il était allé la voir, dans la banlieue chic où elle vivait. Des relations en surface, un isolement profond, une perte déconnexion d'avec ses racines, il m'avait raconté qqch qui reflétait totalement le roman que j'étais en train de lire.
      Pour en revenir au post, oui, la forêt, nous ne nous en lassons pas. Tous les jours différente. Hier, nous sommes rentrés détrempés, aujourd'hui illuminés par des rayonnements intenses.
      Belle soirée à vous (pour ma part une soirée sur les routes : à 20 heures, je vais enfin me faire booster)

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    2. Vous faire booster? J’en aurai bien besoin actuellement. Si vous aviez des recettes, je prends tout. Avec votre permission bien sûr.

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    3. ah pardon! ici on appelle "booster" la troisième dose de vaccin !
      C'était un peu l'usine là-bas, ouvert entre 9 et 21 heures et les gens qui travaillaient au centre depuis 8h30 ce matin avaient l'air épuisé. Bon. C'est fait. Belle fin de soirée.

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