Atlas / Maroc
Notre hôtesse se présentait comme amoureuse du pays (elle appartenait à cette catégorie de personnes qui ont trouvé leur vérité au Maroc). Nous l'avons entendue, soir après soir, raconter son histoire, la même histoire, un storytelling bien rôdé, fait de merveilleuses aventures humaines et de rencontres authentiques.
Vérification faite sur TA, l'établissement affichait des prix plutôt haut de gamme. Bien plus élevés que ceux appliqués par certains cinq étoiles de la Palmeraie. On se voulait ici prestataire de standing et d'élégance.
Or, les nettoyages et la propreté se sont révélés somme toute sommaires. La décoration succincte, voire kitsch. Le coût des repas présentés ne devait pas s'élever à plus de cinq euros par jour et par personne (desserts constitués d'oranges à la cannelle, tranches de pastèque et de melon). Leur avantage était d'être simples et goûteux. Des légumes, peu de viande, pas vraiment de morceaux nobles.
En fin de semaine, nous avons appris que le propriétaire était un restaurateur prospère habitant en France. En clair, cette villa décrite comme familiale était un investissement. L'hôtesse s'affichait comme une "amie" de cet homme. C'est sur son compte bancaire en France que nous avons versé nos deniers. Au hasard d'une conversation, elle a évoqué le fait qu'elle résidait là pour l'instant sans permis.
J'ai appris par la suite que sur les quatre employés (un gardien, une cuisinière, une femme pour le service et un chauffeur occasionnel) seul le premier était officiellement engagé et bénéficiait d'une couverture sociale. Les autres étaient des extras, auxquels on avait recours selon les besoins. La précarité à l'état pur.
Au moment de partir, il a été question de bakchich. Il s'agissait de donner un pourboire pour les services rendus. Une recherche sur google m'a appris que les employés sont très mal payés et qu'ils comptent sur les pourboires pour vivre (le salaire moyen d'un employé déclaré est d'environ 200 euros par mois, les autres reçoivent beaucoup moins). Ces récompenses constitueraient la moitié des revenus des Marocains qui travaillent dans le tourisme.
Question : si nous étions une douzaine, si nos chambres avaient, d'après TA, la valeur d'un quatre étoiles français, si les frais de nos repas ne dépassaient pas 5 euros par jour, si les quatre employés étaient rémunérés dans leur ensemble à raison de 30 euros par jour, qui s'en mettait plein les poches?
Je ne suis nullement experte en voyages organisés (à vrai dire, celui-ci était ma deuxième expérience). Je voyage régulièrement et j'essaie d'organiser mes séjours de manière censée. Avec le temps, j'ai appris à me méfier des propositions factices sur airbnb, et de certaines notations mirobolantes sur les sites de réservation. L'idéal, selon moi, ce sont les contacts personnels avec les établissements, des propriétaires locaux de petites structures si possible. Les revenus du tourisme doivent rester dans le pays qui offre les prestations. Le fait que certains sites de réservation prélèvent à distance entre 15 et 18% du montant facturé paraît nettement exagéré au vu de leur contribution. Ce qui correspond le mieux à mes critères, ce sont mes séjours en Croatie : chez l'habitant, avec des échanges directs et des indemnités allant sans intermédiaire aux prestataires du travail fourni.
Mon constat, après ce séjour, est plus que mitigé. On voyage de nos jours de plus en plus et voyager, c'est être un consommateur. A ce titre, cela demande d'être toujours plus vigilant. Le tourisme est vital pour bien des régions de la planète. C'est une manne. Le tout est de savoir à qui profite la manne. En acceptant d'entrer dans le jeu du flou et des intermédiaires, on devient complice d'une exploitation. J'ai toujours adoré la terre marocaine, ses habitants, ses couleurs, ses chants. Promis juré, lors de mon prochain séjour, j'organiserai à nouveau mon voyage, et de telle sorte qu'il profite aux enfants de là-bas et leur assure un véritable avenir en assurant un véritable salaire à leurs parents.
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