mercredi 18 mars 2020

Lire : évasions



A vrai dire, je m'en doutais, elle était si pâle et amaigrie, ces derniers temps. Mais, c'est hier, quand je lui ai demandé si elle avait besoin de quelque chose au supermarché qu'elle me l'a enfin dit : "j'ai une grave maladie". Elle ne pouvait la nommer. Elle s'est contentée d'ajouter  : "un gros traitement à prévoir qui va faire baisser mes défenses immunitaires". Par conséquent, elle attend, de son mieux, la fin de cette crise, pour commencer à en affronter une autre, qu'elle enchaînera dans la foulée.
Comme elle les dévore, je continue de lui fournir des livres. Elle a accroché à ceux de Barbara Pym. Ça tombe bien, j'en ai un certain nombre à la maison, de ces romans à la fois sensibles et finement ciselés (il y a déjà suffisamment de nuisances à affronter, si en plus il fallait se colleter de la daube sous prétexte de légèreté...). Elle a aimé "Un brin de verdure", l'histoire d'une anthropologue en plein marasme existentiel, qui se retire à la campagne où elle tente de s'intégrer à une petite communauté rassemblée autour de saines activités pastorales (vente de charité, décoration florale de l'église, visites du parc du château). Les livres de l'inégalable Barbara peuvent paraître longs, voire ennuyeux à certains. Ils sont truffés d'intrigues aussi minces que du papier d'Arménie. On y rencontre des pasteurs anglicans, des statisticiennes, des archéologues et des bibliothécaires en grand nombre. Le taux de vieilles filles y est extrêmement important, mais leur espoir, surtout quand elles ont dépassé la trentaine, de nouer une relation durable avec un ecclésiastique veuf ou un conférencier zélé y est fort heureusement tout aussi élevé.
Ma voisine a aussi beaucoup apprécié "Avril enchanté" d'Elisabeth von Arnim, le récit plein d'humour, mais non dénué de sagacité, du séjour que passent quatre anglaises drôles et entreprenantes, dans un petit château merveilleux surplombant la mer, en Ligurie. Elles sont parties avec la volonté farouche d'échapper aux multiples contraintes de leur vie londonienne (des époux indélicats et des soupirants tenaces ne sont pas étrangers à cette fugue) et elles comptent bien jouir durant un mois entier de cet éloignement tant espéré. Leurs vacances ne manqueront pas de leur apporter quelques surprises... C'est un roman doux comme un zéphyr printanier, il se lit comme on boit un délicieux earl grey parfumé. Tout commence par être fort compliqué, mais on peut terminer en toute quiétude sa tasse de thé : tout sera bien qui finira bien, comme le disait ce cher William. Un livre à la fois divertissant et palpitant, une lecture parfaite pour voyager en cette saison immobilisée.


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