Curieusement, le
moment de la rentrée littéraire n’est pas propice chez moi à de stupéfiantes découvertes et des coups de foudre.
Dans le grand choix des librairies, il y a trop de choix. Souvent, dans ce
large éventail je ne trouve rien qui m’aille. J'ai donc déniché avec bonheur l'autre jour ce
bouquin sans prétention, mais léger, drôle et instructif tout à la fois.
Un couple de Britanniques s’en va passer une année dans le Jutland, au nord du Danemark. Il est engagé par la maison mère de Lego. Elle est journaliste et, pour franchir le pas, elle a démissionné d'un poste enviable dans la presse féminine (par la même occasion, elle s'est défaite d'une vie trop soumise au stress londonien, aux exigences de sa carrière et à des traitements pour la fertilité aussi pesants qu'infructueux).
Abandonnant l'effervescence d’une grande métropole, Helen Russel s'installe en pleine campagne, au
bord de la mer. Elle se lance dans une activité en free-lance et se propose
d'investiguer sur le bonheur, thème tendance s'il en est, dans ce pays
réputé pour son haut BNB*.
Mois après mois, elle
relate ses expériences d'expat et son intégration progressive au pays du design, des smorrebrod et l'égalitarisme forcené. On découvre les côtés
enviables de la vie danoise (le hygge, la flexibilité du travail, les prestations
sociales élevées, les budgets consacrés à l’éducation) et les côtés moins attractifs (un appel
à la conformité assez marqué, le tri
des déchets et le Dannebrog (drapeau national) faisant tous deux quasiment l'objet d'un culte, les statistiques de violences faites aux femmes étonnamment élevées).
H. R. est une journaliste
aguerrie, qui fournit une enquête sociologique bien documentée et sait esquiver la plupart des clichés. Comme elle ne manque pas d’humour et d’autodérision, le livre se
lit comme un roman. A la fin de chaque entretien, les Danois qu'elle interviewe sont
invités à mesurer leur état de bonheur sur une échelle de 1 à 10. Les résultats
sont - on s'en serait douté - très élevés. La moyenne est d'environ 9. Ce qu'il manque
en général à ces gens hyper protégés en matière de santé et d'assurances sociales :
trouver la ou le partenaire de vie idéal.
Comme toujours, la confrontation à une autre culture offre des pistes pour vivre de manière plus saine. L'accueil réservé aux enfants danois dans les garderies et les écoles a de quoi faire rêver. Tout est mis en place pour favoriser carrière et maternité. De plus, dans le milieu professionnel, les Danois ont un jugement très sain. Voici comment on considère là-bas les attitudes sacrificielles au boulot : "Ne tolère pas le présentéisme. Si quelqu'un joue les martyrs en restant tard au boulot ou en travaillant trop dur, il a des chances de trouver sur sa table une brochure sur l'efficacité ou la gestion du temps au travail plutôt que la compassion de la part de ses collègues."
J’adore le Danemark,
mais à vrai dire, cette lecture ne m’a pas vraiment donné l’envie d'y résider. Un pays très normé où l'on risquerait facilement de s'ennuyer, me semble-t-il... En revanche, cela m’a fait réfléchir sur ce sujet du bonheur dont les médias aiment tellement s'emparer. Peut-on mesurer le bonheur ? De quel bonheur parle-t-on ? Qu'est-ce
qui entre dans les paramètres quantifiés : les prestations accordées aux citoyens, le temps dévolu aux loisirs, un état d'esprit ouvert et décontracté ? La sécurité
suffit-elle au bonheur ou en est-elle seulement une condition? Les recherches sur ce qui nous rend heureux ne seraient-elles pas destinées à nous faire davantage consommer ?
Le bonheur ne se définit pas aisément. Il comprend trop de paramètres subjectifs et personnels pour qu'il soit aisé de le cerner au moyen de concepts et de statistiques. Alors, en refermant le livre, m'est venue l’idée de réaliser un collage. Faire appel à tout plein d’images, d'expressions, de dessins pour symboliser cette notion volatile, passagère, impalpable que tout le monde cherche, dont tout le monde parle sans pouvoir vraiment affirmer l'avoir rencontré.
Au fond, le bonheur pourrait-il être cet état silencieux et magique qui se tait obstinément au cœur de nos vies tandis qu'on s'agite pour le débusquer ?
Le bonheur ne se définit pas aisément. Il comprend trop de paramètres subjectifs et personnels pour qu'il soit aisé de le cerner au moyen de concepts et de statistiques. Alors, en refermant le livre, m'est venue l’idée de réaliser un collage. Faire appel à tout plein d’images, d'expressions, de dessins pour symboliser cette notion volatile, passagère, impalpable que tout le monde cherche, dont tout le monde parle sans pouvoir vraiment affirmer l'avoir rencontré.
Au fond, le bonheur pourrait-il être cet état silencieux et magique qui se tait obstinément au cœur de nos vies tandis qu'on s'agite pour le débusquer ?
* Bonheur National Brut
Coucou. Je ne sais pas ce qu'est exactement le bonheur. Mais ce que je sais, c'est que je suis infiniment reconnaissante au pays dans lequel je vis, car il me permet de vivre décemment et d'être à l'abri du besoin. Par contre, quand je vois ce que devient le monde professionnel, je me dis que nous avons à réfléchir différemment sur notre implication et sur ce qu'on nous demande sur le lieu de notre travail. On devient de plus en plus stressé, avec tout ce que cela implique et pèse sur notre qualité de vie. Aujourd'hui, je me dis que trouver un équilibre parfait entre la vie professionnelle et la vie privée devient de plus en plus difficile.
RépondreSupprimerEst-ce que les Danois ont tout compris? J'en doute. Mais je lirai avec intérêt ce livre.
Bises jurassiennes.
Tout à fait d'accord avec toi : aujourd'hui, gagner sa vie sans avoir l'impression de la perdre, c'est un véritable challenge. Quand je rencontre des gens malheureux, 9 fois sur 10, c'est pour des raisons de boulot. Ils sont dévalorisés, non reconnus, déstabilisés, frustrés dans leur univers professionnel. Ce n'est pas qu'ils n'aiment pas leur travail. Non, pas du tout, au contraire. Ils l'aiment énormément et voudraient y donner leurs énergies et leurs compétences. Mais les conditions dans lesquelles ils évoluent sont décourageantes : hiérarchies médiocres, procédures à outrance, changements répétés et insensés. En tous cas, les Danois travaillent moins (environ 36 heures par semaine pour un plein temps). Ils ont davantage de temps pour leurs loisirs, pour la vie associative. c'est peut-être déjà une piste. Cela dit, profite de ton séjour sur les cimes jurassiennes. Et... bon lundi! D.
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