mardi 19 mars 2019

Vivre : let it be / 17

Affiche exposition de Marina Abramovic / Trieste / 2018 

Haut-lieu de migration, notre village voit se croiser au printemps les canards qui regagnent le Nord et les touristes qui migrent vers le Sud. D'un jour à l'autre, en périodes fériées ou estivales, le nombre d'habitants peut quadrupler. Les sonorités se font gutturales et les valises sur roulettes sont plus nombreuses que les poussettes. Soudain les magasins se retrouvent en rupture de stock, notre paisible gare décuple le nombre de ses usagers. Les habitants – des gens plutôt doux et accueillants - prennent ces désagréments en patience. Ils se retirent dans leurs jardins, empruntent des chemins non balisés et vont se baigner dans quelque crique secrète.

Les vacanciers peuvent ainsi profiter du lac et des pistes cyclables en toute tranquillité. Or, il en est pour adopter un étrange rituel à leur arrivée : celui du drapeau. N'ayant pas de goût particulier pour ce genre d'objet, je contemple – de loin – un étrange phénomène. A peine installés, les voilà qui hissent fièrement devant leur maisonnette ou leur mobilhome l'étendard de leur canton. Incroyable : Berne, Bâle, Lucerne sont toutes proches, certains n'ont pas fait cent kilomètres, et ils éprouvent le besoin d'exhiber leur provenance à tout venant. Le font-ils pour s'assurer qu'à une telle distance ils se trouvent quand même à la maison ? Ont-ils besoin d'affirmer crânement leur pédigrée ? Trouvent-ils le paysage si terne qu'il faille le colorer ? Je l'ignore et je me vois mal m'approcher pour les interroger.
J'imagine… j'imagine un vacancier toscan arriver en Sicile, ou un Provençal débarquer en Bretagne ou un Berlinois s'installer en Forêt noire. Exposeraient-ils ainsi leur identité ? (du reste, y a-t-il un drapeau toscan, provençal ou berlinois?) 

A voir fleurir ces fanions au vent, je me suis rappelée qu'au Piémont j'avais hissé un drapeau sur mon balcon. Une fois. Une seule fois. Il était multicolore avec quatre lettres inscrites dessus en blanc : PACE. C'était après un long hiver où l'on avait espéré pouvoir éviter des bombardements. Je me souviens aussi que Bagdad était à feu et à sang tandis que le drapeau se faisait délaver par les pluies du printemps. Je me souviens qu'au fil du temps, le drapeau s'était effiloché tandis qu'une sale guerre n'en finissait pas de durer.

2 commentaires:

  1. On peut aussi y voir l'expression de leurs contentement à se trouver chez vous :)

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  2. Toutes les interprétations sont permises...

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