lundi 16 décembre 2019

Vivre : de marché en marché



Le week-end dernier, il y a eu deux marchés : celui du samedi se déroulait dans un parc de la capitale, à deux pas du Palais fédéral. Au milieu des arbres, dispersées sur la pelouse, il y avait d'immenses étoiles et des enfants qui se coursaient entre les bancs. Des odeurs de cuisine qui invitaient au voyage sur fond de musique ethnique. Pour la première fois, j'ai goûté des momos tibétains. Ils étaient tellement bons qu'il m'a absolument fallu récidiver, avant  de partager un cornet de frites décadent avec mes compagnons. Dans cette ambiance bon enfant, les vestes étaient colorées, parfois démodées, toujours décontractées. J'ai vu un chien qui portait un collier de perles assez inspirant. Des artisans présentaient des sacoches et des gants en matériaux de récupération. J'ai failli craquer pour un porte-monnaie réalisé dans un beau cuir jaune intense, et puis j'ai visualisé la quantité non négligeable de porte-monnaies qui m'attendaient au fond d'un tiroir, à la maison, et je me suis tournée vers des HLM pour abeilles et des emballages de savons.
Les stands ressemblaient à de petits chalets, espacés, de formes variées, certains invitaient à s'asseoir pour une pause bien méritée. Comme le parc s'adossait à une colline, on avait un peu l'impression de se balader à la montagne. Dans des cabines téléphériques posées à terre, il y avait quatre places pour boire sa bière. Des chaises avaient été disposées ça et là, accompagnées de plots de bois. On sentait circuler une belle énergie. Des inconnus faisaient connaissance. On s'embrassait, on rigolait. On a quitté le marché repus, ravis, tandis que la lumière commençait à se tamiser et que la silhouette du Palais fédéral devenait noire sous les premières étoiles. En quittant ce lieu simple et magique, comme savent l'être tous les lieux qui permettent d'être heureux, j'ai ressenti un pincement de regret. Je me suis retournée pour regarder une dernière fois ce "Park der kleine Schanze" ludique, dégageant un je-ne-sais quoi d'unique.



Le lendemain, dans les ruelles d'une élégante bourgade lémanique, la foule se pressait. Il était près de midi et une chorale allait entamer des chants sous un sapin géant. Les vêtements étaient ici bien coupés, les enfants bien élevés et les chiens particulièrement stylés. Il y avait pas mal de collaborateurs de fameuses multinationales, il y avait pas mal d'expats. On y trouvait aussi des notables, des personnes qui échangeaient de manière affable. On y allait manifestement pour voir et pour être vu, pour retrouver des connaissances. Dans la rue centrale, les étals se succédaient, tenus par les vignerons des environs, des associations de charité, quelques artisanes présentant comme chaque année les mêmes sacs bariolés. Le passage n'était pas bien large, les échoppes y occupaient une large place. Sur les pavés, on se pressait, on se serrait, on se rencontrait, on s'exclamait, ce qui générait des bouchons et une certaine tension. Arrivés au dernier stand, on ressentait un réel soulagement quand, débouchant enfin face au lac, on découvrait au loin la mirobolante chaîne des Alpes, cadeau offert par l'horizon.


J'ai aussi traversé ces derniers jours des marchés sur lesquels j'ai évité de m'attarder. Ceux qu'on installe devant les centre commerciaux, sur des parkings, ou devant des gares. Ceux qui n'ont de Noël que le nom : un longue et désolante bande de cabanons, tous alignés, dupliqués, des supermarchés transitoires, qui proposent des produits made in China, un peu clinquants, un peu vulgaires, cornaqués par une musique glucose déversant une affreuse mélancolie sur les badauds invités à dépenser.

Les marchés, ceux de Noël, ceux des quatre saisons, ceux des brocantes, racontent des tas d'histoires.  Joyeux ou scintillants, vulgaires ou bruyants, classiques ou chics, ils disent la vie, ils disent les gens. Ils parlent des lieux et de leurs habitants. Ils expriment la vie sociale en mille déclinaisons, infaillibles miroirs du monde dans lequel nous évoluons.

8 commentaires:

  1. Tu m'as fait rêver, ma chère Dad, dans ce "Park der kleine Schanze". Je me sentais bien dans ce que tu décrivais, c'était comme si je m'y trouvais moi aussi, je m'imaginais, déambulant dans ce parc, le sourire aux lèvres, et l'âme heureuse. Merci pour cet instant de rêverie. :-)
    Belle journée à toi.

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    1. Oui, c'est un marché vraiment chaleureux, décontracté, plein de créativité. Un marché selon mon cœur et... ma gourmandise (car je n'ai pas évoqué dans le billet les Kaizerschwarm fastueux qu'on peut y déguster, aussi bons que ceux de Vienne!)
      Tout près de la Banque centrale et du palais gouvernemental, il dit aussi en filigrane la chance de vivre en paix et en démocratie (je dis ça parce que ce matin j'ai fait partir quelques lettres pour Amnesty et que le fait de vivre dans un pays où l'on peut exprimer ses opinions sans se retrouver en prison ou assassiné me semble une chance extraordinaire par les temps qui courent). Toute belle après-midi.

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  2. J’aime ces étoiles aux mille rayons
    qui se sont posées dans les arbres
    enchantant mon cœur d’enfant

    La cabane porte ouverte me fait sourire
    le fond ouvert sur la forêt et les oiseaux
    la lampe de chevet qui grimpe au mur
    la bonne tête des coussins se reposant dans les fauteuils cosys
    sur le tapis d’herbe verte
    le lustre de la belle époque donnant un petit air japonisant
    les deux roses encadrées qui espèrent ne jamais se quitter
    Oui, elle me fait sourire cette cabane hors du temps
    au milieu d’un espace vert au centre de la ville.

    Retrouver la vue paisibles
    du lac, des montagne et du ciel
    se reposer de la ville, de la vie
    le regard emporté par un bateau bleu
    vers ce pays des rêves éveillés
    bercé par tes mots et sax lancinant de Jan Garbarek
    :-)

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    1. La petite cabane dont tu parles, il y en avait cinq ou six, toutes décorées de manière originale, et les gens s'installaient, comme à la maison, pour boire un café ou lire un moment. Nous avons en Suisse une drôle de capitale, avec tous les clichés helvétique (horloges, chocolat, banques,argent, drapeaux) et en même temps des espaces décontractés, alternatifs. Les touristes, surtout les Asiatiques, s'arrêtent médusés pour photographier le marché aux légumes qui se tient devant le Palais fédéral. Les présidents arrivent travailler en train, sans garde du corps (en première classe, quand même). Chacun parle sa langue et tout le monde se comprend. Ce n'est pas idyllique, non, mais c'est hallucinant et assez rassurant.
      Jan Garbarek : quoi de mieux pour se laisser bercer en hiver ?
      Belle soirée. Belles lectures. Belles images.

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  3. Coucou Dad. Et bien le marché de Berne m'aurait plu. Comme tu en parles, on sent vibrer entre les petites cahutes une belle chaleur humaine. L'Avent est beau ainsi, quand les gens se rencontrent. Je suis allée deux fois au marché de Noël de Montreux. Je me suis promis de ne plus y retourner. J'ai trouvé cela stressant, plein d'une foule acheteuse, et de gens venus boire des verres jusqu'à plus soif. Idem pour celui de Lausanne. Rien ne m'y plaisait, si ce n'est peut-être rencontrer quelques amis avant les fêtes. Celui de Sion est plus joli, plus sincère, plus petit. Avec des artisans du coin. Mais il me semble devenir comme bon nombre de ces marchés: parcouru d'une fièvre acheteuse qui m'horripile. Le plus beau marché de Noël, celui où il neigeait, dans lequel les effluves de pain d'épices s'engouffrait, avec des odeurs de sapins, des souffleurs de verre, un fromager, une grand-mère tricotant des bonnets, c'est celui que Kaysersberg. Je n'ai plus jamais retrouvé cet atmosphère. Peut-être à Berne?

    Bises alpines du soir.

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    1. Le marché de Montreux, c'est le kitch absolu, l'invitation à consommer tout et surtout n'importe quoi. Tu sais qu'il y a des gens qui prennent leur journée pour y aller ? On est si loin de l'esprit de Noël dans cette foire à la dépense. Kayserberg, les marchés alsaciens, je suis allée regarder les photos, ça a l'air chaleureux. Et beau. Oui, ce Park der kleine Tchanze a qqch de souriant, de bon enfant. Tu peux aller regarder leur site, ça donne un peu l'idée de l'atmosphère. Lundi soir, déjà, chère dédé. Les vacances approchent et bientôt... bientôt : la détente, les randonnées, les vacances largement méritées. Belle soirée.

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    2. Je viens de relire mon message. Il y a plein de fotes. :-( Kaysersberg, j'y suis allée en 2010. Peut-être que cela a changé... Oui, déjà lundi soir, avec le foehn qui souffle en rafales, et 2 accenteurs alpins tout ébouriffés. Belle soirée également.

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    3. Dédé, je peux te faire une confidence ? (ça restera entre nous, promis ?) Je me fiche complètement des fautes d'orthographe. Mais complètement! Surtout de la part d'une personne qui a passé sa journée à stresser, à accompagner, à rassurer, à dialoguer, à batailler. Pour preuve, je te remets ici un bon valable pour ...1'000 fotes gratuites. L'orthographe, c'est bien. La sincérité, c'est aussi très très bien. Si on peut avoir les deux, tant mieux. Si non, qui s'en soucie ? Belle et douce soirée.

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