Jeune fille à une fenêtre grillagée / Dante Gabriel Rossetti/ Fitzwilliam Museum / University of Cambridge
Elle m'a demandé : Vous êtes prête pour les Fêtes ?
Elle m'a demandé : Vous fêtez Noël en famille ?
Ensuite, naturellement, elle a demandé : Et à Nouvel-An, vous avez prévu quelque chose ? Vous partez ?
Elle a logiquement ajouté : Et sur les marchés de Noël, vous y êtes déjà allée ?
Là, je commençais vraiment à fatiguer. Je répondais par monosyllabes. Je regardais mes pointes tomber et je me demandais combien de temps encore il faudrait pour terminer la coupe et vite vite sécher. J'ai dit oui pour un café. Je n'étais pas prête pour ces conversations toutes faites. Les fins d'année préfabriquées m'ont toujours exaspérée.
C'est au moment où elle me tendait mon manteau que j'ai décidé de faire un effort. Je lui ai demandé : et vous, qu'est-ce que vous aimeriez, pour Noël ?
Elle a levé alors les yeux et m'a dit : pour moi, rien. Juste une réponse positive pour mon beau-frère.
Et un dialogue a vraiment commencé. Il a trente ans. Il y a trois mois il est allé consulter parce qu'il maigrissait à vue d’œil. Les premiers médecins ont cherché et n'ont rien trouvé. Les seconds ont diagnostiqué, mais un peu tard. Il a dû partir se faire soigner à l'étranger, à ses frais. Là, il a repris un peu de poids et il doit recevoir les résultats. Il a un enfant de deux ans et il attend face au vent froid.
Je l'ai quittée. Je croise les doigts pour votre beau-frère. Un sourire s'est allumé sur le petit visage mutin de la fille qui m'agaçait.
Coucou Dad. J'ai toujours horreur de ces conversations chez la coiffeuse, toutes fabriquées, superficielles, agaçantes... et c'est pour cela que je déteste allez dans un salon car je me sens...agressée. (Tu sais comment je suis)
RépondreSupprimerL'art de la conversation, vaste et difficile. Et puis parfois, d'un simple échange, on apprend des choses qui font que l'autre devient alors moins... casse-pied, presque attachant. Alors oui, on tient les pouces pour le beau-frère et que ce Noël qui arrive soit heureux pour toute sa famille.
Bises de plaine.
Aller chez la coiffeuse, ça a toujours été un moment difficile (alors que des tas de femmes adorent prendre ce moment pour elles). Les seules expériences positives que j'ai faites, c'est durant mes voyages, quand j'entrais au hasard dans un salon et que je faisais une découverte (une vie de quartier dans une ville étrangère, des discussions sur les difficultés vécues par les habitants, la peur et le risque qu'une coiffeuse inconnue rate complètement ma coupe). C'était des moments super et il faudra vraiment que je recommence.
SupprimerLundi, la jeune coiffeuse voulait absolument "meubler", ne supportait pas le silence, il fallait qu'elle parle et me fasse parler (juste ce qu'il faut pour que je me ferme comme une huitre). C'est très dur d'entretenir une discussion à partir de questions fermées. Sans compter que Noël est un sujet sensible, faire référence à ces fêtes, à cette consommation, à ces dépenses peut être délicat pour bcp de gens. Au final, il y a très peu de personnes standard qui diront : "Oui, j'ai déjà tous mes cadeaux prêts, pour mes enfants et mes petits-enfants. J'ai déjà envoyé toutes mes cartes de vœux. Je cuisine une dinde pour avoir toute ma tribu autour de moi. Nous partons ensuite skier dans un chalet loué en famille et j'adore acheter du pain d'épice au marché de Strasbourg." Le manque d'argent, la maladie, l'absence de liens, ou les ruptures, les surcharges professionnelles, les irritations en tous genres font que peu de gens - dans le fond - sont heureux de ces fêtes et peuvent le dire. Alors souvent on assiste à des conversations de surface qui sont exaspérantes.
Là, quand elle a commencé à parler de qqch de personnel, qui la touchait, on a changé de registre. Les malaises dans les échanges, naissent souvent du fait qu'on se croit obligé de parler de ce qui n'a aucune importance pour soi. L'espace communication, on peut le meubler, mais pas avec du Conforama. Et surtout ne pas entasser, car le vide est souvent plus agréable que le bric-à-brac. Non?
Belle soirée lumineuse, chère Dédé, et bon début de WE!
Pour certain
RépondreSupprimerle silence entre les êtres est si lourd et si pesant,
qu’ils n’ont qu’un désir, le combler.
Mais comment faire, quand nous ne connaissons pas la personne…
Et même si je ne te connais pas Dad,
Je te reconnais bien, là, avec cette volonté que tu as
de toujours aller à la rencontre, au plus profond, des autres.
:-)
Oui, c'est vrai, le silence peut être embarrassant pour certaines personnes. Il y a comme une anxiété qui monte à l'idée de se taire et de faire juste ce qui a besoin d'être fait. Alors, on comble on comble on se donne une peine folle pour ne pas laisser de place au silence.
SupprimerPourtant, toi qui t'intéresse à la musique et bcp au jazz, le silence, la respiration, la pause, c'est important, non ? Et laisser un peu d'espace pour que l'improvisation puisse prendre place et apporter un réel échange ?
Belle soirée, belles pauses, jazzy j'imagine ?
Les malaises dans les échanges, naissent souvent du fait qu'on se croit obligé de parler de ce qui n'a aucune importance pour soi. Tu as sûrement remarqué aussi que lorsqu'on demande aux gens comment ils vont, ils te répondent en énumérant toutes les activités qu'ils font, qu'ils te parlent de leurs enfants, petits-enfants, mais qu'ils ne savent pas te parler d'eux-mêmes, de leurs émotions, de leurs inquiétudes. Il n'est pas toujours facile de parler de soi, on a peut-être parfois peur d'embêter les autres, de les mettre mal à l'aise.
RépondreSupprimerSinon, la coiffeuse chez qui je me rends régulièrement, est une amie, nous avons donc toujours plein de choses à nous dire, nous sommes sur la même longueur d'onde. :-)
Belle journée à toi, ma chère Dad.
Avoir une amie coiffeuse ? Quelle chance! Être sur la même longueur d'onde (ou de pointes) ou être de mèche, ça doit rendre les séances agréables!
SupprimerCe que tu dis sur les gens me fait penser à une personne rencontrée il y a quelques temps. Toutes les fois que je lui demandais "comment ça va?" elle me parlait des vacances qu'elle allait faire. Et quand je lui demandais comment allait tel ou tel de ses proches, elle me racontait les vacances qu'ils avaient fait ou qu'ils allaient faire. Partir en vacances voulait dire aller bien. Ou avoir suffisamment de moyens pour pouvoir partir (plus les gens partaient loin, en avion, plus elle souriait). Ou bien c'était le seul moyen de parler d'elle ou de ses proches sans rien dire de personnel. Le temps que je décode, nous avions pratiquement fait le tour de la terre! Intéressant, non ? Comme tu le dis, une manière de se protéger et d'éviter de parler de soi. C'est une stratégie de défense, mais qui a ses limites, car une fois qu'on a épuisé le sujet "voyages" de quoi est-il possible de parler ?
Une très belle fin de journée à toi, chère Françoise (ici, la journée fut douce et rayonnante, et baladeuse)