mardi 6 octobre 2020

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Nature morte (détail) / Pieter Claesz / Rijksmuseum / Amsterdam

Comment leur expliquer, à tous ces gens qui hiérarchisent et qui cloisonnent, que nettoyer avec soin les carrelages de sa salle de bain, ou réaliser un gâteau hollandais, avec des pommes soigneusement choisies au marché, ou écrire un texte, ou sortir brusquement de sa voiture dans le vent glacé pour photographier, ou préparer un voyage, ou lire un ouvrage réputé, ou regarder un ver de terre, observer une lumière, écouter intensément une émission (ou quelqu'un), ou méditer, ou discuter, ou négocier, ou accompagner, ou gagner de l'argent ou patienter sur un quai de gare, ou coordonner, gérer, ou simplement préparer le riz du déjeuner, que tout cela est profondément relié et que rien n'est plus important, ou plus élégant, et que rien n'est misérable, ou méprisable, ou inutile et que, oui, on estime autant le geste de briquer que celui de composer, dans la suite des jours, et des heures, et qu'il n'y a pas d'activités vaines ou d'heures creuses dans cette vie qui va, comment leur expliquer ?

6 commentaires:

  1. Waouh !
    Est-ce qu'actuellement tu relis tout Marcel Proust ? (*Sourire*)
    voilà une phrase digne de lui.
    Et, plus sérieusement, (quoique), c'est tout à fait juste. La vie est un continuum où chaque instant à sa place irremplaçable et importante dans le tout de la vie.
    Mais comment expliquer aux adeptes du saucisson coupé en fines tranches ?
    Il est possible que ce soit mission impossible.

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    1. La hiérarchisation des moments de vie... je me demande si ça ne revient pas à du gaspillage. Il se pourrait qu'on perde ainsi une bonne partie de ce qui constitue la beauté et l'intérêt de l'existence.
      Je réalise grâce à toi que j'ai écrit une phrase de 7 lignes! C'est ce qui arrive quand on retranscrit le langage parlé : il y a des virgules, mais pas de point, parce qu'on parle en suivant sa pensée, qui, elle, ne s'arrête pas.
      Proust... j'ai un grand point commun avec lui (pas forcément littéraire) : longtemps je me suis couchée de bonne heure (et contrairement à lui : je continue encore et encore...)
      Belle fin de soirée.

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    2. Je voulais dire qu'elle est très bien cette phrase de sept lignes. Une profusion de vie qui coule tout seul.
      Pour l'allusion à Marcel, j'espère que tu peux dire désormais « je me suis couchée de bonheur »…
      ;-)

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    3. :) C'est joli, une profusion de vie qui coule tout seul.
      A vrai dire, les couchers, ce peut-être de bonne heure, de bonheur, de fatigue, d'épuisement, de soulagement, de contentement, de contrariétés, très rarement de fade heure; les couchers, c'est la fin des journées qui varient tout le temps. Aucune ne ressemble à une autre.
      Cela dit, cet échange me fait penser qu'il faut absolument que je relise un volume de la Recherche. D'ici Noël. Belle soirée.

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  2. Ce qui est important
    ce n'est pas ce que nous faisons
    mais comment nous le faisons.

    Ce qui peu sembler une contrainte
    si elle est faite en étant en étant jusque dans les bouts de ses doigts
    devient chemin de Liberté

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    1. Tellement juste, ce que tu dis. Il n'y a pas de travail ni d'activité plus noble qu'une autre. Il y a notre manière de l'effectuer, en lui donnant du sens, en y trouvant du plaisir. On se sent alors libres, satisfaits (et si c'est reconnu autour de nous, c'est évidemment plus facile).
      Par extension, à propos des hiérarchies dans les activités professionnelles : on a trop longtemps méprisé les travailleurs manuels, ou encore les mères au foyer, comme s'il était plus prestigieux d’œuvrer en col blanc, ou de travailler à l'extérieur plutôt qu'à l'éducation des enfants (des exemples parmi tant d'autres ). Une crise comme celle que nous avons vécue au printemps, nous a montré notre interdépendance et l'importance de ces "petits" métiers.

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