mardi 27 octobre 2020

Vivre : Still life / 93

 

Peu portée sur ces objets qu'on appelle "souvenirs", magnets et autres gadgets, qui se vendent un peu partout et sont censés vous rappeler des lieux où vous êtes allé (ou censés rappeler à d'autres que vous avez pensé à eux pendant votre absence). Tous ces attrape-poussière me semblent ne faire qu'encombrer (de plus, la plupart du temps, je les trouve laids à pleurer). Mal désignés, impropres à convoquer l'émotion, j'aime mieux m'en passer.
Mes souvenirs, c'est dans ma mémoire qu'ils prennent place, et, comme ma mémoire peut faillir, ils se réfugient souvent dans mes photographies. Ou bien encore dans des objets quotidiens qui se sont trouvés sur mon chemin : un sachet de sucre me rappelant un moment passé en terrasse, un billet d'entrée dans un minuscule musée, un joli cabas en papier, ou encore un chemisier pied-de-poule bleu et noir (dont j'apprécie ces jours-ci la chaleur, mais dont l'achat à Sienne par 33° m'a paru sur le coup relever d'une phénoménale erreur). Bref, mes souvenirs ne sont jamais des objets qui se nomment tels.
Quant à ceux que je ramène pour les êtres qui me sont chers, j'aime les savoir utiles ou goûteux. Ce dimanche matin-là, nous avions pris notre petit-déjeuner à l'Officina del Gusto : café, orange pressée et brioches (ces croissants sucrés que les Italiens aiment fourrer de crème pâtissière ou de confiture). La route allait être longue et, n'ayant pas l'intention de faire la moindre halte, nous avions demandé à la jeune serveuse de nous préparer des sandwiches avec du jambon cru, de la mozzarella, des artichauts et des tomates séchées. Les panini réalisés par la demoiselle, dodus comme des ballons, nous ont calés jusqu'à la frontière.
En quittant cet endroit animé, où j'avais été si heureuse en sirotant tous les jours mon Americano (une hérésie qui heureusement me fut pardonnée) j'ai regardé pensivement les petits pots alignés sur le comptoir : miel (produit par les abeilles de Salvatore, le barman), confitures de tomates, d'oignons et de poivrons (provenant d'une exploitation tout à côté). J'ai songé à ZB, à sa gourmandise, à ses longues journées, et, ni une ni deux, j'ai embarqué trois jolis bocaux.
Maintenant, quand je lis un livre, c'est le récapitulatif de ce moment que je glisse entre les pages en guise de signet. Je repense à ce dimanche, à ce lieu géré par des jeunes dégourdis et solaires, à la remontée si calme ce jour-là, à nos échanges apaisés. Je nourris l'espoir insensé de garder encore longtemps cette bande de papier comme précieux colifichet.

4 commentaires:

  1. Bonjour,
    objets et "souvenirs" s'entassent inutilement sur les dessus de meubles (mon épouse aime ça), et j'accorde bien plus de valeur, comme toi, à une simple note de restaurant qui, en effet, sont légion dans mes livres : fréquentant assidûment les cafés de la place du Capitole (Toulouse), et achetant la majorité de mes livres aux bouqinistes qui s'y installent les jours de marché, beaucoup en contiennent, et j'ai parfois plaisir à les déplier longtemps après (je les plie aussi en deux) et à lire date et menu ou consommations avec un petit sourire.
    Le covid a hélas brisé tout ça, on ose plus ni cafés ni métro ni tram pour nous y rendre, Toulouse est des plus menacée.

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    1. C'est toujours quand les choses viennent à vous manquer qu'on réalise leur importance. Rien d'original, bien sûr, mais ces derniers jours je mesure l'importance de ces lieux où l'on peut se retrouver, se rencontrer, se croiser, se sentir entouré (en fait, j'y tiens surtout quand je voyage, où ils représentent un lieu refuge et un lieu d'observation). Ai lu récemment "Café, etc" de Didier Blonde qui décrit de manière assez fine son expérience des bistrots parisiens. Le sentiment de vide, quand ils ne sont plus ouverts pour nous accueillir... Comme elle doit être mélancolique, la belle Toulouse, rose, mais désertée... douce soirée.

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  2. Pour ma part, partout où je passe, j'achète un livre et demande au libraire de tamponner la page de garde...
    Très belle soirée.

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