dimanche 31 janvier 2021

Ecouter, Vivre : ce qui ne tue pas... blesser l'éternité

 

Fan de podcasts, lesquels accompagnent une bonne partie de mes activités quotidiennes, j'apprécie tout particulièrement Les remèdes à la mélancolie, pour le ton à la fois grave et enjoué d'Eva Bester, son écoute attentive, son humour décalé, son tact et la complicité qu'elle sait instaurer avec ses invités. Sa manière aussi de prendre au sérieux la vie, tout en assumant une distance tendre et ironique avec petits et grands soucis.
Faire parler les gens sur leurs remèdes aux blessures intimes est un concept fondamentalement approprié : au fil du dialogue, il y a des douleurs qui se révèlent et elles peuvent se dire uniquement parce que l'on mentionne en même temps les capacités que l'on a pour faire face (ou pour faire avec). Les gens parlent donc d'eux, en creux, sans trop en dire, avec le sourire. On devine les failles, on partage, on compatit.
L'automne dernier, l'animatrice recevait Mathias Malzieu, lequel racontait qu'il avait réalisé qu'il était sorti d'une très grave maladie le jour où il a commencé à râler, comme tout le monde, pour des conneries : la météo ou la défaite de son équipe de foot préférée.
Il a aussi dit - et je le comprends si bien - qu'il ne partageait pas l'opinion de Nietzsche. Il a énoncé : Tout ce qui ne tue pas... abîme un peu. Et puis, il a cité Thoreau, ce mot si beau : En tuant le temps, on blesse l'éternité. 
S'embêter, se perdre en distractions, attendre Godot, c'est sans doute injurier infiniment, douloureusement l'éternité.
 

4 commentaires:

  1. J’aime Eva Bester et ses Remèdes à la mélancolie. Je l’écoute bien souvent le dimanche matin sur France Inter. J’aime sa douceur, son écoute, sa fine intelligence, sa bienveillance et son empathie ainsi que son profond respect pour ses invités les amenant à se découvrir.
    J’ai lu le ”journal d’un vampire en pyjama” de Mathias Malzieu. Il a su se battre contre une terrible maladie avec ses armes: amour, humour, poésie et l’écriture. Ce livre est une leçon de vie, de courage et d’auto-dérision.
    Bien d’accord avec lui: la maladie grave ou chronique abîme un peu,à vrai dire change plus ou moins la personne qui en est affectée.
    Quelle belle méditation en perspective que les mots de Thoreau.
    Très douce soirée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Deux réflexions :
      1/ Il n'y a pas que la maladie grave qui abîme. Tant d'expériences douloureuses, somatiques, oui, mais aussi relationnelles, sociales peuvent abîmer. Et cette phrase de Nietzche m'est toujours apparue comme une consolation facile pour avaler l'amère pilule : le fait qu'on a eu mal, qu'on a eu du mal et qu'on en reste marqué.
      2/ Tuer le temps est une expression que je n'aime pas, mais pas du tout. Il y a toujours tant à faire, ou à être, ou à espérer, ou à conquérir, que tuer ce malheureux temps me semble vraiment trop cruel (et voué à un échec certain, puisque ce n'est pas le temps qu'on tue, mais nous-mêmes) : Une insulte à la vie! Même s'ennuyer, il me semble qu'on peut le faire avec élégance : ressentir le vide, éprouver le manque, laisser émerger ce qui doit...
      Belle soirée, belle fin de WE.

      Supprimer
  2. J'écoute très peu la radio et donc ne connaît pas l'émission dont tu parles. En revanche je me suis arrêté à ce que tu dis concernant la très longue maladie et aussi le commentaire de Ghislaine.
    La maladie qui change la personne qui en est affectée, et l'aphorisme de Nietzsche que je ne partage pas non plus.
    Je me suis demandé quand est-ce que je blessais l'éternité. Autrement dit quand est-ce que je tue le temps, surtout sans m'en apercevoir vraiment.
    Ce que j'évoquais sur mon blog en parlant de « l'occupationnel » dans les établissements collectifs : maisons de retraite, EHPAD, hébergement de polyhandicapés. J'ai déjà développé ce thème précédemment. Une sorte d'entre-deux du vide. Entre les activités sanitaires et de soins, les activités de remplissage d'estomacs, les activités du lever et du coucher qui relèvent de nécessités. Le reste de la journée : comment « tuer le temps » ? En faisant semblant de faire de l'utile qui ne sert à rien.
    Échapperai-je à tout cela ?
    Et ces paroles que l'on entend, quand on ne les prononce pas soi-même :
    — Il vieillit mal !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Voir ce que j'ai écrit ci-dessus à Ghislaine.
      Et puis... à propos de blesser l'éternité. L'occupationnel, c'est le contraire de la vie. C'est la fin de tout.( Il n'y a pas que les vieux ou que les handicapés que ça peut concerner). En ce qui te concerne, j'avais cru comprendre que cela appartenait à ton passé, à des expériences, ou à des craintes que tu pouvais avoir eues et qui ne sont plus d'actualité (puisque, entre autres, badin ou fin ou malin, tu trouves actuellement le moyen de venir (souvent) poser de bonnes questions sur la blogosphère...)
      Tes trois dernières lignes évoquent le futur. Vieillir. Oui. C'est la chose la plus naturelle qui soit (ça doit être terriblement embêtant de mourir jeune ou de vivre trop longtemps). Se rebeller contre le phénomène est totalement improductif. Que signifie "vieillir mal"? Là est la question. Que les autres le disent, dans le fond, ça les regarde. C'est peut-être le reflet de leurs peurs, de dire ça. En revanche, avoir l'impression de vieillir mal ... c'est un manque total de savoir-vivre, il me semble. Il nous appartient à chacun de définir ce que signifie pour nous "vieillir" et le faire "bien" (pas question de devenir un vin qui tourne au vinaigre, il s'agit de rester un bon cru!). Nous avons à disposition des exemples autour de nous, des réflexions à mener, des discussions à avoir, des mesures à prendre. Je me pose juste une question : est-ce qu'on ne vieillit pas comme on a vécu ? Acteurs nous avons été, nous sommes et il n'y a nulle raison pour que nous ne le restions pas.
      Douce soirée à toi.

      Supprimer