lundi 11 janvier 2021

Vivre : stupeurs et ébranlements

 

 
Les premiers jours de l'année sont consacrés à l'élaboration d'un journal créatif. Il s'agit de prendre autant de recul que possible pour solliciter la mémoire récente et faire jaillir un bilan de l'année achevée, avec tous les moyens à disposition : illustrations, découpages, peinture, crayons, ciseaux, et déposer cette création - souvent : ces pages de création - dans un épais cahier à spirale. Puis, délaissant le recours au mental, accueillir les images, les mots, les associations qui s'invitent.
Cette fois-ci, un mot s'est imposé : sidération. C'est l'étiquette qui convient le mieux pour définir la prise de conscience qui a émergé (référence étymologique à la mauvaise influence des astres, et aussi, au sens figuré, profonde stupeur face aux événements). Or, la sidération, je m'en suis rendue compte, concerne moins la suite d'événements qui se sont enchaînés durant cette année vingt vingt, laquelle nous a entraînés dans un tourbillon de déconvenues, d'anxiétés et de réaménagements constants, non : la sidération s'applique plutôt à notre (rétrospectivement) abyssale inconscience - j'allais écrire "stupidité" - une inconscience qui a laissé faire, qui a permis les dérèglements de ces dernières décennies. Nous avons cru à la "croissance", à une croissance infinie, au toujours plus, toujours plus vite, toujours plus fort. Nous l'avons même exigée. Nous avions pourtant été prévenus (il date bien de 1972, le premier rapport du Club de Rome ?). Nous avons laissé faire.Nous nous sommes moqués de ceux qui tiraient les sonnettes d'alarme. Nous en avons même ri, comment rient les fous et les idiots.
Et l'année de la sidération est arrivée.
Difficile de cloisonner, de croire que le développement économique est une chose et qu'un virus minuscule, une maladie zoonotique en sont une autre. Difficile de croire qu'en deux coups de cuillère à pot, avec un miraculeux vaccin "Mars et ça repart", tout pourra s'arranger enfin. Difficile, vraiment.
Durant mes pauses, entre deux collages, m'asseoir au bord de la forêt, observant les envolées furtives des mésanges affamées, les tremblements des branches assaillies par les vents harcelants est l'une des activités que je préfère, un point d'ancrage, une source de méditation. Il m'apparaît alors que quoi qu'il arrive au genre humain, la nature saura toujours se sauver. Et cette pensée a de quoi soutenir et arrimer.

8 commentaires:

  1. J’adhère et je signe. En toute sincérité.
    Merci pour ce billet.

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  2. Qu'ajouter dans ce cas, sinon que je vous souhaite une belle et apaisante soirée ? (il a fait si beau ici, lumière vive quasi acérée, qu'on peine vraiment à imaginer le retour annoncé de la neige, lequel nous ramènera le crissement doux des flocons et un calme impérial!)

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  3. Comment ne pas te suivre dans ce texte.

    Cependant la grande majorité des humains de la planète n'a nullement l'intention de renoncer au « toujours plus ». Une minorité de clairvoyants s'efforcent de trouver des solutions pour éviter quelques dérèglements. Mais qui voudrait sur la planète VRAIMENT renoncer aux formidables promesses de la croissance infinie !
    On met sur la table des milliers de milliards sur toute la planète, pour continuer dans le même sens le plus vite possible. Même les jeunes réclament à cor et à cri le retour du « comme avant ».

    Nous exploiterons la planète jusqu'à la dernière goutte d'eau potable.
    À moins que les virus ne réussissent leur mission de régulateurs de la biodiversité par régulation de la surpopulation du prédateur suprême appelé « humain ».
    Voilà qui serait écologique en diable !
    Allez zou ! Buvons un apéro en attendant la mort !
    ;-)

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    1. Et la question qui se pose en conséquence : que peut-on faire ? Oser se dire : rien. Oser l'admettre. Prendre soin de soi et de son entourage. Adopter la conduite qui nous paraîtra la plus en accord avec nos convictions. Éviter de nuire, par des mots ou des actions. Éviter surtout d'essayer de convaincre. Suivre sa petite musique. D'accord pour l'apéro (j'ai enfin dégoté un Prosecco Valdobbiadene digne de ce nom - ne surtout pas croire qu'un Prosecco est la boisson incolore au goût chimique qu'on vend dans les hypermarchés!) et, osons le mot, être heureux autant que possible pour faire honneur à cette vie cadeau qui nous a été donnée! Cela dit, à ta santé et belle soirée!

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    2. Que faire ? Peut-être croire à la dynamique utopique du colibri ? (Cette légende dont parle Pierre Rabbi). C'est d'ailleurs ce que tu indiques. Quel que soit son niveau d'engagement ou de responsabilité dans la Cité. Si on ne définit pas assez clairement son territoire de responsabilité personnelle, je pense qu'on est très vite noyé dans le découragement, ce qui n'est pas génial ; ou dans le discours incantatoire, ce qui n'est pas mieux…

      et sinon, magnifique ! Tu me fais découvrir un vin pétillant italien ! D'après ma petite exploration, ça semble pas si mal que ça… pour un vin italien, évidemment !
      (Oui oui, c'est exactement ça : une réflexion de français chauvin !)
      ;-) :-)

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    3. A propos de la part de "colibri", j'écoutais l'autre jour ceci : https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/entendez-vous-leco-emission-du-jeudi-07-janvier-2021 . Changer l'individu pour changer le monde.
      C'est encourageant de constater que bcp, dans nos sociétés, analysent, proposent des innovations. Cela fait du bien d'entendre ces deux chercheuses évoquer des solutions possibles partant des individus qui font bouger des entreprises. Ce qui me faisait écrire : "rien" à propos de notre pouvoir de changement, c'est que je ne crois plus au GrandChangement comme on y croyait il y a quelques décennies. Dans un univers mondialisé, le navire est grand et on peine à changer sa trajectoire. Il s'agit de penser au bien commun pour que tous accèdent au nécessaire (un nécessaire à définir : eau, nourriture, logement, soins, scolarité, ce qui paraît le luxe à l'autre bout de la planète, peut sembler un extrême dénuement dans nos pays) et développer des manières de prévoir le changement avec des personnes qui aspirent à nos conditions de vie confortables (trouver les arguments pour leur dire que nous sommes allés trop loin sans passer pour d'affreux égoïstes). Par conséquent, mon "rien" n'est pas rien, mais... il s'agit de relever ses manches sans se faire trop d'illusions. Trier, ne pas surconsommer, isoler les habitats, limiter les températures, manger local, tous ces basiques ne suffisent pas.
      (la suite au prochain numéro, mais je t'invite à écouter cette émission, ça peut t'intéresser)

      A propos du Prosecco... oui, il paraît que vous avez en France un vin effervescent sympathique et très cher qui se nomme "Champagne". Pourquoi pas ? Au fond, chacun se ruine comme il peut! :):):)

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  4. Bonjour, excellent article, qui met en mots ce que j'ai pensé tout au long de cette année.
    La vision étroite, égocentrique et rigide de certains se sera peut-être élargie... on peut le souhaiter. Espérons que le naturel, en élastique de "Jokari" ne reviendra pas aussi fort...

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    1. Merci, Jean-Claude. Ces bilans de fin d'année qui en appellent au non verbal et au non intellectuel nous ramènent souvent à l'essentiel. Espérons en effet qu'il sortira de cette période des aspects positifs et profitables à tous. Belle soirée.

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