« Et tous les espaces de nos solitudes passées, les espaces où nous avons souffert de la solitude, désiré la solitude, joui de la solitude, compromis la solitude sont en nous ineffaçables. Et très précisément, l’être ne veut pas les effacer. Il sait d’instinct que ces espaces de sa solitude sont constitutifs. Même lorsque ces espaces sont à jamais rayés du présent, étrangers désormais à toutes les promesses d’avenir, même lorsqu’on n’a plus de grenier, même lorsqu’on a perdu la mansarde, il restera toujours qu’on a aimé un grenier, qu’on a vécu dans une mansarde. » Gaston Bachelard, La poétique de l'espace, éd. PUF, p.28
Comment ne pas adhérer pleinement à ces mots de Bachelard ? Comment ne pas vouloir entrer encore et encore dans sa poétique si douce et si proche de l'enfant que nous étions ?
Les maisons essentielles de notre vie - combien peut-il donc y en avoir ? une ? deux ? une petite poignée ? - se retrouvent toutes nichées au fond de nous, dans un lieu imaginaire et sûr où rien ne saurait les détruire ni les effacer.
Quel meilleur moyen, vraiment, pour retracer le parcours de sa vie que de revisiter par la mémoire les maisons passées ?
Quel meilleur moyen pour savoir si notre vie nous convient que de comparer notre maison actuelle à celles qui nous ont été essentielles ?
Et ce plaisir de trouver sur le chemin de nos balades une cabane, qui éveille au fond de soi le souvenir de toutes les cabanes inventées...
Bonjour,
RépondreSupprimerMême si pour moi il n'est pas d'accès facile, j'apprécie Bachelard, j'ai plusieurs bouquins de lui mais pas celui-là.
Ses incursions poétiques sont profondes et remarquables.
J'ai bien aimé La psychanalyse du feu, L'eau et les rêves.
Bachelard est qqn de fascinant, qui a su allier esprit scientifique et poétique. J'aime beaucoup l'entendre, quand on diffuse ses archives sonores, il n'a jamais perdu son accent de l'Est, fidèle à ses racines. Dans la "poétique de l'espace" il parle de la maison "vécue", imaginée, rêvée et c'est tellement contraire à tous les discours extérieurs, de spécialistes, qu'on nous tient sur les maisons. Peu de gens nous invitent à nous reporter à notre expérience propre en la matière pour savoir comment y vivre au mieux. B. nous invite à nous centrer sur notre vécu, expérience, rêve et fait appel à ce que les écrivains et poètes ont écrit sur le sujet. Bonne soirée, Jean-Claude, et merci pour ces titres.
SupprimerSi beau mais un rien mélancolique! Une manière peut-être de renouer evec son enfant intérieur et de retrouver ou réparer quelque chose de profond en nous!?
RépondreSupprimerUn peu mélancolique ? Je ne l'ai pas vraiment lu comme ça. En lisant son livre, je me suis dit plusieurs fois : Comment penser "cave", "mansarde", "grenier" quand de plus en plus de gens vivent en immeubles citadins, privés de tout cela? Comment est-il possible de lire et comprendre la PdE aujourd'hui pour une grande majorité de gens ? L'idée que l'on se réfère à ce que l'on a pu connaître dans le passé m'a fourni une réponse : le corpus d'images intérieures, constitué depuis l'enfance est toujours à notre disposition. Quant à la solitude dont parle Bachelard, plus j'avance et plus je me dis qu'elle est précieuse (je ne parle pas d'isolement honni, mais du fait d'être avec soi-même, confronté à soi-même). On parle bcp de souffrance à propos de la solitude, elle existe, bien sûr, mais tout revers a sa médaille. Sans cette solitude, comment se créer son monde intérieur, son espace d'autonomie, ses idées propres ? Partant du principe, bien sûr, qu'on sera plutôt son meilleur ami que son pire ennemi... Et puis, comme je l'ai écrit à Jean-Claude, Bachelard, c'est une invitation à "vivre" notre logement, à l'expérimenter en dehors des savoirs extérieurs : architectes, décorateurs, conseillers en tous genre.
SupprimerUne nuit blanchie par la neige est tombée, une pluie de lumignons a envahi le paysage : c'est avec cette vision que je vous souhaite une belle soirée, Ghislaine!
Quel plaisir de lire ce texte, ce soir. Les mots de Bachelard sont toujours d'une grande justesse. Merci !
RépondreSupprimerBachelard, le lire, le relire. c'est en effet toujours un plaisir,et on y découvre toujours quelque chose de nouveau, à chaque fois. Bonne soirée.
SupprimerLes maisons qui me reviennent à l’esprit, ou plus exactement les lieux – chambres, appartements et maisons - qui m’ont marqué ne sont pas nombreux. Il me reste la chambre, la première, ou je suis né, qui était devenue et qui reste encore maintenant le symbole du refuge idéal, où je me réjouissais de revenir jouer ou dormir, même si je devais la partager avec mes parents, ou plus exactement qu’ils la partageaient avec moi, le dernier venu dans la famille dans ce petit deux pièces d’après-guerre. Il y a aussi une maison de campagne, beaucoup plus tard, qui jouait aussi le rôle de nid, de refuge, après des semaines de travail harassant et usant. Une maison dite « secondaire » qui jouait un rôle de premier plan. Un endroit que j’aimais, où je pouvais me régénérer et que j’ai mythifié avec les années. D’autres lieux de vie émergent, en y repensant, mais sans laisser de traces ou si peu. Je ne peux pas partager mes sentiments au sujet de ces lieux et pour moi c’est là que je retrouve la solitude, ma solitude et « mon monde ». Mais il y aussi autre chose, et c’est la photo qui m’y fait penser, il y a les cabanes. Les cabanes que nous construisions dans les haies, nos cachettes, nos cachettes d’enfants. Nous vivions dans un petit village, dans un groupe d’HLM fraichement sortis de terre, avec autour, la campagne. Et c’est là, dans cette campagne que nous construisions nos cabanes ou fortins comme nous les nommions et qui nous servaient aussi de refuge quand nous jouions aux indiens. Beau souvenir, qui remonte à la surface comme une bulle d’air grâce à un texte et une photo.
RépondreSupprimerGaspard
oh il y a dans les mots de Bachelard, une invitation rêveuse à retourner dans son enfance, et aussi dans les moments forts de sa vie intime, à explorer qui nous sommes à travers nos expériences. C'est un appel à notre originalité, à notre intériorité, hors des sentiers battus, des modes, des suivismes en tous genres.
RépondreSupprimerSi cela vous intéresse, je vous conseille d'écouter ceci : https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/confines-avec-gaston-bachelard-14-comment-sen-sortir-sans-sortir
Adèle van Reeth a eu tout à fait raison avec ce titre : "comment s'en sortir sans sortir". c'est bien simple : en puisant dans l'imaginaire et dans nos souvenirs!
Belle journée, Gaspard!