mardi 28 janvier 2020

Vivre : d'une rive à l'autre


Rencontre d'Eléonore du Portugal avec Fredéric III (détail) / Pinturicchio / Libreria Piccolomini / Dôme de Sienne

On a beau faire. On a beau dire. On aboutit toujours à ce constat :
on aime les gens tant qu'ils nous donnent ce dont nous avons besoin
et on les abandonne dès qu'ils n'assouvissent plus nos desiderata.
Dépasser ces entraves, lancer des ponts, rejoindre l'Autre et ses raisons.


15 commentaires:

  1. Aimer, c'est échanger
    et si nous n'avons plus rien à échanger
    pouvons nous encore continuer d'Aimer ?

    L'essentiel est de toujours bien cultiver
    et entretenir ce jardin
    pour que les échanges jamais ne cessent.
    :-)

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    1. Oui, Les échanges. Mais des échanges maintenus aussi quand on a l'impression qu'on reçoit moins, qu'on reçoit moins qu'on donne, qu'on ne reçoit pas ce que l'on voudrait. Juste : tenter de comprendre pourquoi, ce qui se passe pour l'autre, avant de partir ou passer à autre chose. Car partir, passer à autre chose, d'une certaine manière, c'est se priver. Quel dommage! Belle soirée, belles notes, belles idées.

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  2. Disons que c'est une strate de l'amour. Certains affligés et unijambistes de l'affectivité ne connaissent que celle-là : « je t'aime (?) et t'aimerais tant que tu m'aimeras ».
    Dommage de ne marcher que sur une jambe.
    Parce que l'amour complet à deux guibolles : être aimé sans retour pour aimer sans attente.
    Bienheureux celles et ceux qui accèdent à ce bonheur-là.

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    1. A vrai dire, en écrivant, je pensais au verbe "aimer" au sens large (j'ai libellé le billet sous "vie sociale"). Je faisais référence à ces relations "kleenex" où l'on prend et l'on jette. Ces relations où l'on utilise tant qu'on peut l'autre et puis on passe à autre chose. L'instrumentalisation totale des relations sociales. Tout se fait dans l'immédiateté, on ne cherche pas à comprendre, ni ce qui se passe, ni ce qui cloche, ce qui pourrait expliquer que l'autre s'éloigne, ne réponde plus aux attentes. Tenter de garder le lien demande alors des efforts et du temps et une bonne dose de patience.
      Mais, c'est vrai, à te lire, on voit que cela peut s'appliquer aussi à l'amitié, à l'amour, à toute relation significative. Quant à "être aimé sans retour pour aimer sans attente", c'est mettre la barre très très haut, non ? Je ne sais pas si on peut y parvenir, car cela ne tient pas compte d'une nécessaire (pas forcément égale, mais : nécessaire) réciprocité. Combien de temps peut-on aimer une personne qui ne donne rien en retour ? C'est dans le va-et-vient des attentions et des dons que se nourrit la relation, non ? Belle et douce soirée.

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    2. Mettre la barre très haut ?
      Cela supposerait que ma petite formule puisse être une tyrannie.
      C'est seulement la réalité du vivant. C'est presque indépendant de nous. Peut-être que la chose que l'on peut vraiment, c'est l'inverse, mettre la barre très très très bas… et même sous terre, dans cet enfer des relations haineuses. (Je force le trait…)

      Dans une éducation, on va dire « normale », l'enfant reçoit un amour maternel et parental qui n'attend pas le retour pour se donner. Que, (oh miracle de l'intelligence de la vie), on reçoive en retour une reconnaissance : le bébé qui sourit d'être aimé, réjouit sa mère ! Tant mieux ! Mais ce n'est pas le but du jeu.
      Le don de l'amour que l'on porte est capable de jaillissement spontané, comme l'eau de la source abreuve la terre « par nature ».
      Alors c'est une sorte de synergie, si on a reçu son contentement d'amour, la capacité d'aimer soi-même sans retour jaillit dans la personne qui a reçu. Un peu comme le sourcier qui trouve l'endroit où est la source.
      L'amour est très contagieux pire que les virus !
      Je pense d'ailleurs que c'est exactement ce que tu dis à la fin de ton commentaire. En parlant de réciprocité La réciprocité que tu évoques vient d'elle-même.


      Hélas celui qui n'a pas été suffisamment exposé à l'amour, est peu ensemencé par cette bienfaisance. Enfermé dans le manque, il ne peut ouvrir la porte de la réciprocité. Tout est mobilisé par la quête incessante du retour, réclamé sans cesse à l'autre… celui qui souffre de cette carence de ne pas avoir été aimé devient tyran.

      Et si la réciprocité ne vient jamais pour toutes sortes de défaillances, nul n'est tenu de rester dans une relation néfaste voire mortifère. On reste le temps où l'on espère encore.
      Sinon la relation peut devenir perverse au sens premier du mot.

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    3. Hélas, cent fois hélas, me voici incapable de te répondre. Je n'ai pas le niveau, Monsieur. Malgré tous mes efforts (et dieu sait si je me suis appliquée) en matière d'amour je n'obtiendrais, je crois, qu'une honnête moyenne. "Se donne de la peine et en a" comme disait tel instituteur. A savoir : qu'il est hors de question pour moi d'entrer dans des escalades symétriques de haine et d'agressivité; que je m'efforce de trouver dans chaque personne rencontrée ses aspects positifs, voire attachants; que je me sens solidaire de tous les êtres et de leurs besoins ; que j'aime d'amour tous les êtres vivants. Mais l'amour inconditionnel, loin de toute attente... là, c'est trop difficile pour moi, ça me dépasse. Mythologie ou pas ? Je m'interroge. Car je scrute, je scrute, mais je n'ai vraiment aucun exemple autour de moi.
      Mais (mais!) j'ai bien lu mon Dante, qui semble d'accord avec toi : "Amor ch'ha nullo amato amar perdona" / Chant V / Enfer. C'est-à-dire "l'Amour qui ne laisse aucun être aimé être indifférent (qui ne permet point à l'être aimé de ne point aimer à son tour). Cher Alain, Dante, ce génie, est d'accord avec toi. Face à deux telles pointures, que puis-je ajouter ? Peut-être : passe une très belle soirée ? :)
      PS : j'aurais juste une petite interrogation : y a-t-il bcp de gens, crois-tu, qui reçoivent une éducation "normale" ?

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    4. Mais l'amour inconditionnel… hé bien tu as écrit que tu le connais et le pratique, puisque tu n'as PAS écrit :

      je m'efforce de trouver dans chaque personne rencontrée ses aspects positifs, mais bien entendu à condition que…,
      voire attachants , mais bien entendu à condition que…,
      ; que je me sens solidaire de tous les êtres et de leurs besoins , mais bien entendu à condition que…,
      ; que j'aime d'amour tous les êtres vivants , mais bien entendu à condition que…,

      L'amour est inconditionnel lorsqu'il n'exige pas de conditions préalables pour le pratiquer.
      Et je dois dire que depuis que je te lis, je vois en toi une personne aimante aux qualités de cœur, qui ne conditionne pas à chaque instant ses faits et gestes positifs.

      Je ne connais pas Dante, mais si c'est un génie, je suis quand même content d'au moins avoir frôlé son gros orteil !

      Quand à « éducation normale » : j'évoquais l'éducation « ordinaire », c'est-à-dire celle où il n'a pas été commis volontairement d'actes de quelque nature que ce soit y compris par omission, qui auraient porté atteinte à l'intégrité physique et psychique de l'enfant au point de pratiquer sur lui/elle des blessures profondes et dont la réparation aléatoire durera au moins les deux tiers de sa vie. Violences verbales sans cesse répétées, coups et blessures, viol, inceste, abandon total, dénigrement systématisé, comportement psychopathe, etc. etc.
      L'éducation ordinaire comporte la volonté d'aimer et de protéger auquel il faut bien un entendu ajouter le lot de maladresses éducatives plus ou moins importantes, mais, malheureusement sans doute, inévitables. On apprend à être parents... quand on devient effectivement parents, et comme tout apprenti on a des maladresses. On les répare, on en tire enseignement. Mais, on ne porte pas atteinte volontairement à l'intégrité de la personne de l'enfant comme j'ai illustré par quelques exemples.
      L'apprenti est de bonne volonté, il fait des erreurs, il les corrige, mais il n'a pas pour but de saboter le travail. Il me massacre pas l'innocent.
      Dans bien des cas ces enfants malmenés voient leurs parents privés de l'autorité parentale.

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    5. Merci pour cette réponse. Précieuse et appréciée. Les beaux commentaires sont ceux qui aident à avancer. Passage à haute teneur d'intelligence et d'humanité. Passe une très belle et douce fin de journée.

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  3. Pourtant, c'est tellement agréable d'échanger, de partager, de ne rien attendre en retour. Il en va de même sur nos blogs : certaines personnes ne vont visiter les divers blogs que pour obtenir des commentaires en retour. Dommage parce'il y a réellement des découverts à faire et des enrichissements amicaux, culturels, sociaux etc.....

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    1. Oui, Chinou, c'est agréable et c'est bien pour cela que j'ai écrit ce billet. On se retrouve peut-être trop souvent à monnayer nos relations, à rechercher une rentabilité immédiate. "Dépasser ces entraves, jeter des ponts", c'est se donner l'occasion defaire de réelles découvertes. Sur tous les plans.
      Belle et prodigieuse soirée.

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  4. Bonjour. Et pourtant... aimer sans rien recevoir en retour... pour l'avoir vécu intensément il y a plusieurs années en arrière, je me suis grillée les ailes, j'ai perdu beaucoup d'énergie et finalement j'ai compris que oui, il est très difficile de ne rien recevoir quand on donne presque tout. Alors non, il faut un équilibre, don et contre-don comme dirait Mauss, pour ne pas devenir masochiste. Belle soirée.

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  5. Bonsoir, Dédé. Aimer, donner sans recevoir en retour peut se révéler d'une profonde cruauté (selon moi, il faut avoir qqch de Mère Teresa pour accepter ça). Dans l'idéal, il faudrait pouvoir partir avant de voir ses précieuses ailes brûlées... Une question, dans ce cas, que l'on peut se poser : "pourquoi est-ce que je reste ? pourquoi est-ce que j'accepte que mes ailes soient grillées ? par quel mauvais sort suis-je amenée à me croire incapable de mériter la réciprocité ?
    Les cabinets de toutes sortes de soignants sont remplis de gens qui tentent de répondre à ces questions. Aidé ou pas, tout être humain se doit de respecter et mérite de recevoir du respect. A chacun d'y travailler.
    Dans ce que tu racontes, peut-être que déchiffrer l'autre, qui ne veut rien donner, qui ne peut rien donner, c'est comprendre et pouvoir se libérer.
    Jolie, belle et flamboyante soirée.

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  6. Donner sans rien attendre en retour, on appelle cela l'amour inconditionnel. Celui-ci je le réserve à mes deux fils (sourire).
    Un petit coucou, ma chère Dad. Belle soirée et un doux week-end.

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    1. Et pas à tes petits-fils ? :)
      L'amour inconditionnel, oui on en a bcp parlé dans la littérature de développement personnel pendant des années. Perso, je ne l'ai jamais rencontré. Et je n'ai rencontré personne qui l'ait rencontré.En revanche, je connais bcp de gens qui s'aiment et sont heureux et se construisent de jolies vies ensemble... PS : j'ai demandé à R. s'il m'aimait d'un amour inconditionnel. Il m'a répondu que oui... à condition que j'en sois persuadée!

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    2. Pour mes petits-fils, il s'agit d'un autre amour. :-)

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