L'homme qui court / Paris 1953 / Sabine Weiss / Collection Musée de l'Elysée
Le prix WOMEN IN MOTION 2020 vient d'être décerné à Sabine Weiss pour l'ensemble de son œuvre. Comme le soulignent Les Rencontres d'Arles et Kering, les deux partenaires qui ont créé le prix il y a deux ans, "à 96 ans, elle est probablement la photographe ayant travaillé sur la plus longue période, avec près de quatre-vingts années consacrés à son art." Précisons que cette artiste continue de créer et d'exposer.
L'annonce m'a paru particulièrement réjouissante, pour de multiples raisons : Sabine Weiss a fait son
apprentissage chez Boissonnas, un atelier genevois réputé; elle
a confié l'ensemble de ses archives au Musée de Élysée à Lausanne; elle appartient au courant de la photographie dite
"humaniste" et regarder ses tirages, dont la majeure partie sont en
N&B, est source d'intenses émotions; mais aussi et surtout elle a su conserver intacte son énergie, d'expérience en expérience. Il y a quelque chose
d'infiniment stimulant à constater qu'on peut vivre sa passion, encore et encore, indépendamment des années.
Ce prix, c'est la bonne nouvelle de la journée. A donner envie de courir dans la nuit, de danser sous la pluie ! Mais... laissons celle qui se conçoit comme une "artisane" parler de son métier :
Je n’aime pas les choses très éclatantes, mais plutôt la sobriété... il ne s’agit pas d’aimer bien, il faut être ému. L’amour des gens, c’est beau. C’est grave, il y a une profondeur terrible. Il faut délasser l’anecdote, dégager le calice, le recueillement. Je photographie pour conserver l’éphémère, fixer le hasard, garder en image ce qui va disparaître : gestes, attitudes, objets qui sont des témoignages de notre passage. L’appareil les ramasse, les fige au moment même où ils disparaissent.
Mes photos ont une certaine qualité qui n’est que le reflet de moi-même dans mes rapports avec les gens. Une certaine tendresse pour les êtres, pour leur solitude ou leurs émotions retenues. Elles expriment un certain amour que j’ai pour la vie.
Je témoignais, je pensais qu’une photo forte devait nous raconter une particularité de la condition humaine. J’ai toujours senti le besoin de dénoncer avec mes photos, les injustices que l’on rencontre…
Il faut témoigner, dire, montrer que l’on ne vit pas de richesses matérielles, je ne suis pas une artiste, pas moi, d’autres oui, mais pas moi, ceux qui créent, oui, mais pas moi...
Citations tirées du livre "Sabine Weiss. Soixante ans de photographie", Jean Vautrin et Sabine Weiss, 2003, éditions de La Martinière.
On peut entendre la photographe interviewée sur France Inter / A. Trappenard / Boomerang / 12.11.2020 : ICI
Rien à ajouter qui ne pourrait être que superflu. Bien belle personne que Madame Weiss.
RépondreSupprimerBien belle soirée.
Une bien belle personne, un très bel exemple, en effet. Belle et douce soirée.
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