lundi 30 novembre 2020

Vivre : let it be / 21

 
Mitologias cotidianas / Chus Garcia Fraile / GB Gallery / 2019 / Palma de Mallorca
 
 
Une lettre recommandée provenant de la commune voisine est arrivée récemment.
 
LES FAITS : suite à dénonciation (photo à l'appui) je me suis vue condamnée à payer une amende de 100 euros pour "dépôt illicite de sac poubelle". On me reproche d'avoir déposé (dans un conteneur ad hoc) un sac en plastique de 35 litres (payé 1,80 euro, incluant la taxe de retraitement) alors que cela m'était interdit (aucun panneau d'aucune sorte pour l'indiquer expressément).
Ah!
LES MEFAITS : Le village en question, celui où nous allons faire nos achats alimentaires, où se trouvent notre garagiste, notre médecin de famille, notre bureau de poste se trouve sur le chemin qui nous conduit à la ville la plus proche. Nous le traversons tous les jours, alors que nous devrions effectuer un détour de deux kilomètres pour déposer nos détritus à la déchetterie de notre village (ce qui semblait peu pratique et peu écologique). Mais... c'était sans compter avec les frontières cantonales, des limites qu'il s'agit ici de respecter scrupuleusement.
(Précisons qu'il y a dans ce pays des villages traversés par ces frontières, où des enfants habitant la même rue ne fréquentent pas le même établissement scolaire, n'ont pas les mêmes programmes, ni les mêmes plans de vacances. Évitons d'évoquer les mesures régissant l'actuelle pandémie : le virus, c'est bien connu, cesse de s'activer dès qu'il arrive ici. Il connaît les règles, lui).
Oh!
LA MORALE : Je me suis hasardée à faire recours et le Conseil communal réuni in corpore a bien voulu convertir l'amende en ferme avertissement (signé par la docte main du syndic) précisant que le "tourisme de déchet" était formellement interdit. Je dois avouer que cette affaire m'a hautement soulagée. Dans un monde où sévissent des guerres effroyables, des famines terribles, d'inquiétantes pandémies et catastrophes naturelles, où des gens sont bâillonnés, enfermés pour leurs opinions, où l'on meurt pour mille motifs, où des millions de civils sont jetés sur les routes, dans ce monde, heureusement, il reste des employés zélés qui veillent à l'ordre public, vous épient, photographient votre plaque minéralogique et vous dénoncent à l'autorité compétente afin que votre répréhensible comportement soit sanctionné comme il se doit. Grâce au ciel, il existe des lieux où l'on traite ces problèmes avec tout le sérieux exigé. La situation est donc grave, mais pas désespérée.
Ouf ! Nous voilà rassurés !

8 commentaires:

  1. Alors, en Suisse aussi vous avez Clochemerle institutionnalisé ?
    Ton récit m'a bien amusé. Ça fait du bien après une semaine qui me donnait l'envie de tout envoyer à la poubelle…

    Conclusion : il est temps de te procurer des fausses plaques !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tant mieux si mon récit t'a amusé. Moi aussi, j'ai bien rigolé : c'est la seule solution face à cette situation ubuesque. Attention! je suis pour le traitement intelligent des déchets et je trie sélectivement depuis très longtemps, mais là c'est petit, tellement petit, clochemerlesque, comme tu dis. Et pendant ce temps, le monde vit ses malheurs, sur le plan collectif, sur le plan sanitaire et humain...
      Je cueille l'occasion de te redire ma sympathie et j'espère que tu as pu (ainsi que ton entourage) faire face aux diverses épines qui sont venues se ficher dans votre cœur éprouvé.

      Supprimer
  2. Les champions du tri
    avec 11 poubelles de couleurs différentes
    une pour chaque type de déchets

    Il nous reste encore du chemin à faire :)))

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, ici nous cultivons l'art de tout faire scrupuleusement. Le plan de notre déchetterie : il faut avoir bac + 10 pour en comprendre toutes les subtilités. Pas moins de 15 types de dépôts différents (sans compter la benne pour les sacs poubelles, naturellement) et deux agents pour encadrer les élèves peu doués . Ah! c'est admirable, un pays qui cultive à ce point l'art de la propreté! (et qui vient de voter hier pour continuer de vendre des armes. Un commerce propre, naturellement)Bonne soirée.

      Supprimer
  3. Hummm... Je note : "Tourisme de déchets depuis des contrées lointainement distanciées" - votre compte est bon madame.
    Fallait le dire, on plaisante pas chez vous. Délation en plus... j'en vois pas trop la raison cependant - rivalités de clocher ? (Alainx a dit Clochemerle).
    Deux poubelles pour nous plus une pour les déchets verts et encore on se goure, j'avoue que je savais pas, quel casse-tête.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Rivalités de clocher... c'est encore plus subtil : à trois km de distance, c'est un autre canton géré par un autre gouvernement, avec d'autres impôts, d'autres programmes scolaires, une autre culture, quoi! Même si l'on parle la même langue, et qu'on est dans le même pays. J'avoue que cela m'échappe un peu, parce que je ne suis pas native d'ici et que je suis arrivée d'une ville lémanique où tout cela semblerait bien petit.
      Pour les types de déchets : huiles ménagères / huiles industrielles / ampoules / piles / couches culottes /végétaux compost / végétaux de jardin / papier / carton / plastique / pet / alu / électroménager / bois / déchets de construction / déchets encombrants / je crois que j'en oublie, mais l'essentiel y est. C'est pas mal, hein ?
      Cela dit, et tu l'as relevé, dans toute cette histoire, moi, c'est la délation qui m'a choquée. Pourquoi ne pas s'avancer et venir me dire en face : "c'est interdit" ? Il y a qqchose d'affligeant dans ce comportement, qqch de mesquin.
      Belle soirée.

      Supprimer
  4. Regarder avec le regard de l'autre
    nous aide parfois à comprendre
    l'incompréhensible

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Est-il possible de regarder "avec le regard de l'autre" ?
      On peut écouter son point de vue, tenter de le comprendre, oui.
      Adopter son regard, personnellement, je n'y parviens pas.
      Belle soirée, Pascal.

      Supprimer